Ouverture des recours contre les prises de position de l'administration dans une FAQ

Les recours dirigés contre une prise de décision de l’administration publiée dans une « foire aux questions » étaient jusqu’à présent frappés d’irrecevabilité. Pour le Conseil d’Etat, une foire aux questions se borne à répondre aux diverses questions juridiques et pratiques que peuvent se poser les entreprises (CE, 17 mai 2017, n°404270). 

 

La position de la Haute juridiction administrative sur les actes dits de droit souple (circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif) a toutefois largement évolué depuis 2020. En effet, dans sa décision du 12 juin 2020 Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) (CE, 12 juin 2020, n° 418142), le Conseil d’État a jugé que « les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices ».

 

Pour apprécier si un acte de droit souple est susceptible d’un recours pour excès de pouvoir, le juge analyse les effets notables de la décision sur les personnes concernées. Le critère essentiel réside donc dans les effets notables. 

 

Suivant cette ligne jurisprudentielle, la Haute juridiction a précisé qu’une prise de position de la CNIL dans une «  foire aux questions  » mise en ligne sur son site internet est, eu égard à sa teneur, susceptible de figurer au nombre des actes de droit souple justiciables devant le juge de l’excès de pouvoir (CE, 8 avr. 2022, n° 452668, Synd. national du marketing à la performance et Collectif des acteurs du marketing digital). En effet, la prise de position de la CNIL est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui se livrent à des opérations d’affiliation et des utilisateurs et abonnés de services électroniques. 

 

Confirmant cette position, le Conseil d’Etat vient d’indiquer que la foire aux questions relative au fonds de solidarité en faveur des entreprises institué par l’ordonnance du 25 mars 2020 pouvait faire l’objet d’un recours (CE, 3 février 2023, n°451052). Pour le juge administratif, « eu égard à sa teneur, cette interprétation du droit positif, émise par les services chargés d’instruire les demandes d’aides au titre du fonds de solidarité puis de procéder, le cas échéant, au versement de ces aides, est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui souhaitent bénéficier des mesures de soutien mises en place ». Le contrôle du juge a conduit à l’annulation de la réponse formulée par le ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. 

 

Les administrations devront ainsi être vigilantes dans la publication de « foires aux questions ». Toutes les réponses apportées susceptibles d’avoir des effets notables sur les personnes concernées peuvent désormais faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et donc d’un contrôle du juge administratif.