Pas d'obligation de neutralité pour les élus !

Il est ADMYS que les élus locaux ne sont pas soumis au principe de neutralité religieuse.

 

Par délibération en date du 18 novembre 2020, le conseil municipal de la commune de Voiron a approuvé son règlement intérieur dont l’article 15 précise qu’« Une tenue vestimentaire correcte et ne faisant pas entrave au principe de laïcité est exigée des élus siégeant au conseil municipal ». Cette formulation très imprécise a été soumise à la censure du tribunal administratif de Grenoble, qui a ainsi eu l’occasion, dans le cadre d’un jugement du 7 juin 2024 (n°2100262) revenir sur une question récurrente mais peu analysée de la neutralité religieuse de l’élu. Cela vient sans doute de la liberté laissée aux élus dans le cadre de leur mandat.

 

Cette liberté se retrouve dès le stade des élections. Un élu peut porter un signe religieux et fait état de ses convictions religieuses dans le cadre de sa campagne électorale (CE, 23 décembre 2010, n°337899).

 

En premier lieu, lorsque l’élu local (le maire, ou, à défaut, l’adjoint au maire) agit au nom de l’Etat, il est strictement soumis au principe de neutralité et à l’interdiction de manifester ses convictions religieuses. Il s’agit notamment de l’hypothèse dans laquelle le maire est officier d’Etat civil (célébration de mariage notamment). Cette obligation de neutralité a été insérée à l’article L. 2122-34-2 du Code Général des Collectivités Territoriales par la loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021.

 

Le juge administratif avait déjà eu à connaître de la neutralité des élus locaux dans le cadre de la célébration des mariages pour les personnes de même sexe. Ainsi, une délibération autorisant les élus à ne pas célébrer des mariages de même sexe viole le principe de neutralité et encourt l’annulation (CAA Versailles, 10 décembre 2015, Cne de Montfermeil, n°14VE00629).

 

En second lieu, lorsque l’élu se trouve dans l’hémicycle, il retrouve une liberté totale. C’est ce que rappelle le Tribunal administratif dans son jugement : « Il ne résulte d’aucune autre disposition législative que le principe de neutralité religieuse s’applique aux élus locaux ». C’est seulement dans le cas où le port de vêtements ou de tout accessoire religieux cause un trouble à l’ordre public que le maire, pourrait, dans le cadre de ses pouvoirs de police de l’assemblée prendre les mesures strictement nécessaires pour y remédier.

 

A ce titre, la Cour de cassation avait déjà confirmé que le maire ne pouvait pas priver un élu de son droit de parole en raison du port d’un signe religieux. Pour la Haute juridiction judiciaire, « aucune disposition législative, nécessaire en vertu de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, pour que des restrictions soient apportées à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions, ne permet au maire d’une commune, dans le cadre des réunions du conseil municipal, lieu de débats et de confrontations d’idées, d’interdire aux élus de manifester publiquement, notamment par le port d’un insigne, leur appartenance religieuse ». Une telle privation est constitutive d’un délit (Cour de cassation, 1er septembre 2010, n°10-80.584).

 

Il est ainsi interdit de refuser à un élu le port d’un signe religieux quel qu’il soit, comme a pu le faire le conseil municipal de la commune de Voiron. La délibération du 18 novembre 2020 approuvant le règlement intérieur est ainsi annulée par le juge administratif « en tant qu’il comporte les mots : « et ne faisant pas entrave au principe de laïcité ».

 

En revanche, si neutralité de l’élu n’est pas imposée dans l’exercice de son mandat, il n’en demeure pas moins qu’il doit respecter strictement le principe de neutralité du service public. Il ne peut ainsi pas organiser de manifestations religieuses ou introduire d’emblèmes religieux à l’intérieur d’un bâtiment public (article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat).