Les collectivités : usagers “normaux” du service public de distribution d’eau ?

Tout comme les particuliers, les collectivités territoriales ont des besoins en eau, notamment pour alimenter les locaux communaux, arroser les espaces verts, les terrains de foot etc.

 

En pratique, ces collectivités territoriales, pourtant usager du service de distribution d’eau au même titre que les autres usagers, bénéficient couramment de rabais, voire d’exonérations, sur leurs redevances. 

 

Cette pratique est-elle légale ? En d’autres termes, le service compétent en matière de distribution d’eau peut-il appliquer des tarifs préférentiels au bénéfice des collectivités territoriales et de leurs établissements ? 

 

OUI, il est possible d’instaurer un tarif préférentiel à l’égard des collectivités territoriales. 

 

En principe, le service de distribution d’eau est un service public. Il est de ce fait soumis au principe d’égalité de traitement des usagers qui implique donc une égalité tarifaire. 

 

Cependant, en application de ce principe, il est possible pour un même service de varier les tarifs en fonction de la catégorie d’usager concernée, lorsqu’il existe entre les usagers des différences de situation objective ou lorsqu’une nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service rend nécessaire une telle différenciation tarifaire (CE, 10 mai 1974, Denoyez et Chorques / Rép. Min. de la transition écologique et solidaire, n°5105, JO Sénat Q, 21 juin 2018, p. 3156).  

 

Concernant plus particulièrement le service de distribution d’eau, le code des collectivités territoriales prévoit explicitement la possibilité d’appliquer des tarifs différenciés aux ménages (article L. 2224-12-1 du CGCT).

 

Si les collectivités territoriales ne sont pas expressément citées en tant que catégorie d’usager pouvant bénéficier d’un tarif préférentiel, en pratique elles font communément l’objet d’une différenciation tarifaire (Rép. Min. de l’Intérieur, n°6116, JO Sénat Q, 10 octobre 2013, p. 2978). 

 

Cette possibilité d’instaurer des tarifs préférentiels à l’égard des collectivités est-elle sans limite ? 

 

NON. L’instauration de tels tarifs doit respecter certaines conditions, au risque d’être illégale. 

 

En premier lieu, avec l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, le législateur a entendu mettre fin à la fourniture gratuite d’eau à des administrations ou à des bâtiments publics (Cass, civ 1, 8 novembre 2017, n°16-18.859 / CA Grenoble, 7 décembre 2021, n°20/00194). Dès lors, le service de distribution d’eau doit être facturé et ne peut être gratuit, et ce y compris pour les administrations. 

 

En deuxième lieula différence de tarifs instituée ne doit pas être manifestement disproportionnée au regard des circonstances ou des objectifs qui la motivent. Il convient en effet de s’assurer que ces différenciations tarifaires ne conduisent pas à des transferts de charges entre catégories d’usagers (TA PAU 29 février 2013 n°1101439 / Rép. Min. de l’Intérieur, n°6116, JO Sénat Q, 10 octobre 2013, p. 2978). 

 

En troisième lieule bien-fondé de l’application d’un tarif préférentiel pour la catégorie envisagée doit être justifié (Rép. Min. de l’Intérieur, n°6116, JO Sénat Q, 10 octobre 2013, p. 2978). Les catégories différenciées doivent alors être définies de façon suffisamment précise pour apprécier si les différences établies ont une cohérence intrinsèque et si les différences de traitement qui en résultent peuvent leur être reliées. 

 

À titre d’exemple, instituer un tarif spécifique pour la distribution d’eau des « consommations publiques » n’est pas suffisamment précis selon le juge puisque cette expression peut renvoyer aussi bien à des personnes publiques qu’à des personnes privées, comme à des activités purement administratives ou à des activités de nature industrielle ou commerciale (TA PAU 29 février 2013 n°1101439). 

 

En dernier lieula différence de tarifs doit être appliquée sans distinction à l’ensemble des usagers d’une même catégorie (Rép. Min. de l’Intérieur, n°6116, JO Sénat Q, 10 octobre 2013, p. 2978).