Expropriation : Inopposabilité d’une renonciation par avance au droit de rétrocession prévu à l’article L.421-1 du code de l’expropriation

Cour de cassation, civ. 3ème, 19 janvier 2022, n°20-19.351

La Cour de cassation a rendu un arrêt important le 19 janvier 2022, venant protéger les intérêts des expropriés.

Une expropriation de terrains est intervenue en 2004 à la Réunion. Dans le traité d’adhésion-quittance conclu en 2007, dont l’objet est de formaliser le versement de l’indemnité de dépossession par l’autorité expropriante à l’exproprié, une clause avait été inscrite, aux termes de laquelle l’exproprié s’engageait à renoncer au droit de rétrocession prévu par l’article L.421-1 du code de l’expropriation.

Cet article prévoit que l’ancien propriétaire peut réclamer à l’expropriant de récupérer la propriété de son bien lorsque ce dernier n’a pas reçu la destination prévue dans la déclaration d’utilité publique, dans un délai de 5 ans à compter du prononcé de l’ordonnance d’expropriation.

Lorsqu’une telle restitution est matériellement impossible, l’ancien propriétaire peut prétendre à l’octroi de dommages et intérêts (Cass. Civ. 3ème, 31 janvier 1979, n°77-14.335).

En l’espèce, le bien n’ayant pas reçu la destination prévue dans la DUP, l’ancien propriétaire a assigné l’expropriant en vue d’obtenir des dommages et intérêts en raison de l’impossibilité d’obtenir la rétrocession de son bien.

L’expropriant se prévalait devant la juridiction judiciaire de la clause de renonciation au droit de rétrocession insérée dans le traité d’adhésion.

La cour d’appel a retenue que l’exproprié était fondé dans sa demande.

L’expropriant ayant formé un pourvoi en cassation, la Cour de cassation a rejeté ce dernier en considérant que “l’expropriant peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l’ordre public de protection, une fois celui-ci acquis”. En d’autres termes, la renonciation par avance de l’exproprié au droit de rétrocession, par convention, alors que le délai de 5 ans est toujours en cours, n’est pas possible, ce droit étant d’ordre public, auquel il ne peut être dérogé par contrat.

Une telle renonciation peut cependant être inscrit contractuellement en vertu d’un contrat conclu à l’issue du délai de 5 ans.