Bail professionnel et marchés publics ? La clé d'analyse précisée par le Tribunal des conflits !

Par une décision en date du 3 juillet 2023 fichée par la Direction des Affaires Juridiques, le Tribunal des Conflits s’est prononcé en faveur de la compétence judiciaire pour trancher un litige né d’un contrat de bail à usage professionnel, conclu entre Madame C., un particulier bailleur et la Commune de Baie-Mahault, preneuse (TC, 3 juillet 2023, Mme C. c/ Commune de Baie-Mahault, req n°4278).

 

En l’espèce, le contrat portait sur le redéploiement des services publics à l’exclusion de toute autre activité commerciale ou artisanale. Mme C. a assigné la Commune devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en vue de voir constater la résiliation du bail, obtenir l’expulsion de la Commune ainsi que sa condamnation à lui verser réparations et indemnités. La juridiction civile s’est déclarée incompétente pour connaître de ces demandes, conduisant la requérante à porter ses prétentions devant le tribunal administratif.

 

C’est dans ce contexte que par application de l’article 32 du décret du 27 février 2015 portant sur le « conflit négatif » que la Juridiction a soumis la question au Tribunal des Conflits.

 

Par un raisonnement très succinct, la Juridiction a tout d’abord constaté que le contrat ne revêtait pas cette caractéristique par application de la loi. En effet, un contrat de bail à usage professionnel, même conclu avec une personne publique, ne relevait pas de l’ancien Code des marchés publics, ni d’ailleurs de l’actuel Code de la commande publique.

 

Il était ensuite question d’aborder les critères jurisprudentiels de qualification du contrat.

 

Si le critère organique ne posait aucune difficulté puisque l’une des parties au contrat est une personne publique, c’est bien le critère matériel qui a retenu l’attention de la Juridiction.

 

Pour rappel, le contrat qui a pour objet de confier au cocontractant l’exécution d’un service public revêt une nature administrative (CE, 20 avril 1956, Epoux Bertin, req n° 98637). De même, la présence de clauses exorbitantes du droit commun au bénéfice de la personne publique justifie que le contrat relève du régime tout aussi exorbitant des contrats publics (TC, 2 novembre 2020, INRAP, req n°4196).

 

Au cas présent, le Tribunal des Conflits a considéré, d’une part, que le contrat ne prévoyait aucune prérogative exorbitante du droit commun au bénéfice de la Commune.

 

De plus, ce contrat « a pour seul objet de répondre aux besoins de fonctionnement des services de la ville et non pas de confier à la cocontractante l’exécution d’un service public dont la commune a la charge ».

 

Ainsi, la circonstance qu’un bail à usage professionnel autre que commercial et artisanal constitue le titre juridique support conditionnant l’exercice d’un service public ne suffit pas à intégrer ce contrat dans le cadre de l’exécution dudit service, quand bien même le service serait-il à la charge de la personne publique preneuse.

 

Autrement dit : pour revêtir une qualification administrative, un contrat doit porter sur l’exécution du service public et non se borner à permettre l’exécution, par la personne publique, du service public dont elle se charge directement.

 

Dès lors que le critère matériel fait défaut, le contrat demeure régi par des règles de droit privé et relève donc de la juridiction judiciaire, devant laquelle les parties sont renvoyées en vue d’un traitement au fond.