Confidentialité de la médiation : le Conseil d'État déclassifie les règles applicables en la matière

Saisi d’une question préjudicielle du Tribunal administratif de la Réunion, le Conseil d’Etat, dans un avis du 14 novembre 2023 (n°475648), a rendu un véritable Vademecum portant sur la confidentialité des documents produits par les parties ou le médiateur dans le cadre d’une médiation. A cet égard, selon cet avis, sont confidentiels tous documents faisant apparaître une position ou proposition des parties, sauf accord de ces dernières. A l’inverse, n’est pas couvert le rapport d’expertise se bornant à procéder à des constatations factuelles. Il peut ainsi être produit devant le juge administratif en cas de reprise de la procédure contentieuse.

 

En effet, le Tribunal administratif avait été saisi par trois sociétés de BTP d’une requête tendant à la condamnation de la région Réunion à leur verser la somme de 9 967 937 euros au titre de l’exécution d’un marché public de travaux portant sur la construction de digues sur l’île de la Réunion. Le Tribunal administratif, par un jugement du 3 juillet 2023, a demandé au Conseil d’Etat de se prononcer :

  • La définition d’une constatation du médiateur ou des déclarations recueillies au cours de la médiation au sens et pour application de l’article L. 213-2 du Code de justice administrative ;
  • La productibilité dans les débats d’un rapport d’expertise produit en cours de médiation et procédant à une analyse technique et factuelle des prétentions des parties.

 

Le Conseil d’Etat répond qu’en vertu des articles L. 213-1  et L. 213-2 du Code de justice administrative qu’en principe, ne doivent demeurer confidentielles, sauf accord contraire des parties, sans pouvoir être divulguées à des tiers ni invoquées ou produites dans le cadre de l’instance, les seules constatations du médiateurs et les déclarations des parties. Sont ainsi couverts par la confidentialité de la médiation les documents ou déclarations émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de positions en vue de la résolution amiable du litige.

 

En revanche, la confidentialité de la médiation ne s’étend pas aux documents émanant de tiers alors même qu’ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation, tel qu’un rapport d’expertise dès lors qu’ils procèdent à des constatations factuelles ou à des analyses techniques. Le Conseil d’Etat relève en ce sens que ces documents sont communicables tant qu’ils ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige.

 

Ainsi, tout document évoquant une position ou une proposition n’est en principe pas communicable, sauf à constater l’existence d’un accord des parties à sa divulgation ou si le document est communicable en raison d’une des deux exceptions prévues par l’article L. 213-2 du Code de justice administrative, à savoir :

  • En présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne
  • Ou lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre.

 

En tout état de cause, les documents couverts par la confidentialité de la médiation ne sont pas productibles devant le juge administratif, si bien que ce dernier ne peut prendre en compte ces documents confidentiels pour statuer sur le litige porté devant lui.

 

Enfin, dans le cas particulier où une expertise est diligentée par le juge administratif, et que ce dernier lui confie la mission de mener une médiation, l’expert doit également remettre à la juridiction un rapport d’expertise purgé (sauf accord des parties) des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation.