La conciliation du droit à la dénonciation d’un harcèlement moral avec le devoir de réserve des agents publics

Conseil d’État, 29 décembre 2021, n°433838

Par un arrêt en date du 29 décembre 2021, le Conseil d’État a apporté des précisions sur la délicate conciliation entre la protection offerte à l’agent public qui dénonce des faits de harcèlement moral et le devoir de réserve qui contraint les agents de la fonction publique à faire preuve de mesure dans leur expression.

Dans cette affaire, une adjointe administrative travaillant au sein des services d’une commune, a dénoncé, par un mail adressé aux élus municipaux, des faits de harcèlement moral dont elle s’estimait victime. Le Maire lui a infligé la sanction disciplinaire du blâme (relevant du 1er groupe des sanctions) au motif que le mail de dénonciation constituait un manquement à son devoir de réserve. 

Le Tribunal administratif a prononcé l’annulation de la sanction disciplinaire par un jugement qui a, ensuite, été annulé par la Cour administrative sur appel de la Commune. 

Dans le cadre du pourvoi en cassation engagé par l’agent, le Conseil d’État a tout d’abord rappelé qu’au titre de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné lorsqu’il est amené à dénoncer des faits de harcèlement moral dont il est victime ou témoin. 

Il précise toutefois que “l’exercice du droit à dénonciation de ces faits doit être concilié avec le respect de leurs obligations déontologiques, notamment l’obligation de réserve à laquelle ils sont tenus et leur impose de faire preuve de mesure dans leur expression“. 

Afin d’apprécier l’existence d’un manquement au devoir de réserve ou le caractère disproportionnée ou injustifiée d’une sanction disciplinaire, le juge de cassation raisonne de la manière suivante en mettant en balance : 

– D’une part, les agissements de l’administration dont le fonctionnaire se prétend victime ;

– D’autre part, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire a dénoncé les faits au regard notamment de la teneur des propos tenus, leurs destinataires et des démarches accomplies par l’agent pour alerter sur sa situation. 

En l’espèce, la Cour a considéré que l’agent avait manqué à son devoir de réserve en dénonçant les faits de harcèlement moral dont elle s’estimait victime, par un mail formulé en des termes excessifs et adressé à un large cercle d’élus de la commune.

La Cour n’ayant pas pris en considération les agissements que l’agent estimait avoir subi, elle a entaché son arrêt d’une erreur de droit. Le Conseil d’Etat annule l’arrêt ainsi rendu et renvoie l’affaire devant la Cour.