Illégalité d'une autorisation d'urbanisme : une évolution du PLU favorable au projet ne suffit pas à purger le vice initial

Le Conseil d’Etat est, dans un nouvel arrêt rendu le 4 mai 2023, venu apporter une nouvelle précision sur le champ de la régularisation en cours d’instance d’un projet soumis à autorisation d’urbanisme par l’obtention d’un permis de construire modificatif, plus précisément dans l’hypothèse où durant le délai pendant lequel le juge administratif sursoit à statuer en vertu de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, la règle d’urbanisme litigieuse a disparu.

En l’espèce, une association demandait l’annulation d’un permis de construire portant sur un bâtiment à usage de logements et de commerces. Constatant l’illégalité du permis du fait de sa contrariété avec la règle de hauteur prévue à l’article UA 10 du règlement du plan local d’urbanisme, le Tribunal administratif de Toulouse avait, par un jugement avant-dire droit du 16 février 2021, sursis à statuer pour permettre la régularisation du permis dans un délai de cinq mois. Durant cette période, une modification du PLU et plus précisément de la règle de hauteur figurant à l’article UA 10 est intervenue le 28 juin 2021. Le Tribunal administratif de Toulouse a malgré tout annulé l’autorisation attaquée par un jugement du 8 avril 2022, en estimant que ce changement de circonstance de droit ne suffisait pas à purger le vice initialement commis dès lors qu’aucune décision administrative individuelle n’avait formellement procédé à la régularisation. La société bénéficiaire de l’autorisation s’est pourvue en cassation.

La question très pertinente qui était posée au Conseil d’Etat était celle de savoir si le juge administratif était en mesure d’aller encore plus loin dans l’application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, et notamment s’il était possible d’admettre une régularisation sans qu’aucune décision individuelle portant mesure de régularisation ne soit édictée par la Commune. La Haute juridiction administrative a répondu par la négative à cette interrogation. Elle a jugé que la circonstance que les règles du plan local d’urbanisme aient évolué en cours d’instance et ne fassent plus obstacle à la teneur du projet, ne suffit pas par elle-même à régulariser l’autorisation initialement délivrée.

En outre, le Conseil d’Etat a rappelé les différents cas dans lesquels une autorisation d’urbanisme entachée d’illégalité peut être régularisée, notamment par l’obtention d’une autorisation modificative après que le juge administratif a sursis à statuer dans un certain délai en vertu de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

Dans ce dernier cas, le bénéficiaire de l’autorisation est tenu de notifier au juge la décision individuelle par laquelle l’administration a procédé à la régularisation.

Ainsi, la Haute juridiction administrative indique que « la seule circonstance que le vice dont est affectée l’autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme qui n’est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d’annulation, après l’expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, est insusceptible, par elle-même, d’entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande ».

Pour la bonne compréhension de la portée de cet arrêt, il convient de préciser que le juge de la légalité des autorisations d’urbanisme est le juge de l’excès de pouvoir et qu’à ce titre, il examine la légalité de la décision administrative.

La présente application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme par le juge administratif tire donc les conséquences de l’office du contentieux pour excès de pouvoir, à savoir qu’il statue au regard des circonstances de faits et de droit prévalant à la date de l’édiction de l’acte administratif attaqué, et non à la date où il statue (contrairement au juge du plein-contentieux).

 

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a entendu légèrement borner la technique de la régularisation. Alors que dans ses conclusions sur l’arrêt Commune de Toulouse (CE, 1er octobre 2015, n°374338), le rapporteur public Xavier Delesquen avait pointé le risque d’aboutir à une forme de « tout régularisation » dans le contentieux de l’urbanisme, cette solution a le mérite d’obliger le pétitionnaire à obtenir de l’administration un acte « formalisant » sa volonté de régulariser le permis, par une décision individuelle. Le bénéficiaire ne saurait en effet se contenter de profiter d’un changement de la réglementation d’urbanisme applicable pour se prévaloir d’une « régularisation implicite ».