L'arrêt "Tarn et Garonne" fête ses 10 ans !

Il est ADMYS que le recours Tarn et Garonne, permettant à tout tiers de contester la validité d’un contrat administratif, fête ses 10 ans.

 

A l’origine, seules les parties à un contrat administratif pouvaient contester sa validité.

 

Les tiers aux contrats administratifs ne disposaient, eux, que du droit de former un recours en excès de pouvoir à l’encontre d’un acte détachable du contrat (acte d’approbation CE, 4 août 1905, Martin ; acte d’exécution CE 24 avril 1964 SA Livraisons industrielles et commerciales, n° 53518, Lebon p. 239).

 

Le tiers pouvait demander l’annulation de l’acte détachable en raison d’un vice qui l’entachait directement, ou en raison d’un vice affectant la validité du contrat lui-même.

 

Cependant, la jurisprudence estimait que « l’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’impliquait pas nécessairement la nullité du dit contrat » (CE 10 décembre 2003, Institut de recherche pour le développement, n°248950).

 

En effet, les tiers ayant obtenu l’annulation de l’acte détachable devaient ensuite saisir le juge de l’exécution. Ce dernier pouvait, après avoir considéré l’illégalité commise (CE 21 février 2011, Société Ophrys n°337349) :

  • soit décider que la poursuite de l’exécution du contrat était possible,
  • soit, après avoir vérifié que sa décision ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général, enjoindre à la personne publique de résilier le contrat, le cas échéant avec un effet différé,
  • soit, dans l’hypothèse d’une illégalité particulièrement grave, d’inviter les parties à résoudre leurs relations contractuelles ou, à défaut d’entente sur cette résolution, à saisir le juge du contrat afin qu’il en règle les modalités s’il estime que la résolution peut être une solution appropriée.

 

Ce système, d’une grande complexité, ne semblait pas suffisamment efficace pour lutter contre les illégalités observées dans les contrats administratifs.

 

Par la suite, en 2007, les concurrents évincés du contrat furent admis à former un recours direct à l’encontre du contrat (CE, 16 juillet 2007, Société Tropic travaux signalisation, n° 291545).  

 

Le recours direct à l’encontre du contrat administratif demeurait toutefois fermé aux autres types de tiers.

 

Ainsi, il y a 10 ans, le Conseil d’État a dégagé un nouveau recours devant le juge administratif communément appelé « Tarn et Garonne », en élargissant l’action directe à l’encontre d’un contrat administratif à différents types de tiers (CE 4 avril 2014, Département Tarn et Garonne, n°358994)

 

Cet arrêt « Tarn et Garonne » a en effet ouvert une nouvelle voie de recours à plusieurs types de requérants :

    • premièrement, à tout tiers au contrat , susceptible d’être lésé dans ses intérêt de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses,
    • deuxièmement, aux membres de l’organe délibérant concerné ;
    • troisièmement, au Préfet du Département dans l’exercice du contrôle de légalité.

 

En fonction du type de requérants, le panel des moyens invocables ne sont pas les mêmes.

 

En effet, le membre de l’organe délibérant ou le préfet, tiers dit « privilégiés », peut invoquer tous moyens à l’appui du recours.

 

Toutefois, les autres tiers aux contrats ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent, où les vices d’une telle gravité que le juge devrait nécessairement les relever d’office. Le candidat évincé peut ainsi invoquer, outre les moyens d’ordre public, les manquements aux règles applicables à la passation du contrat qui seraient en rapport direct avec son éviction.

 

Ce recours est formé dans un délai de 2 mois à compter des mesures de publicité. En l’absence de publicité faisant courir le délai de 2 mois, le tiers s’estimant lésé dispose d’un délai raisonnable d’un an à compter du moment où il a eu connaissance du contrat pour former son recours en contestation de validité (CE, 19 juillet 2023, Société Seateam Aviation, n° 465308)

 

Saisi d’un recours Tarn et Garonne, le juge procède à un véritable arbitrage entre ses différents pouvoirs en fonction de la nature et de l’illégalité relevée par le tiers :

  • lorsque le contrat est entaché d’irrégularités limitées, le juge du contrat peut , soit décider de la poursuite de son exécution, soit inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe.
  • lorsque le contrat est entaché de vices qui ne peuvent pas être régularisés, et rendent impossible la poursuite du contrat, le juge du contrat peut prononcer la résiliation ou l’annulation du contrat.

 

Par ailleurs, le juge saisi de conclusions en ce sens peut condamner l’acheteur à indemniser le préjudice du tiers lésé.

 

Le recours en contestation de validité, ou « Tarn et Garonne » demeure, depuis 10 ans, un instrument largement utilisé dans le cadre du contentieux contractuel.