Le Conseil d'État relance le débat sur le principe de neutralité dans le sport à l'aube des Jeux Olympiques de Paris 2024

Par un arrêt du 29 juin 2023, le Conseil d’Etat a rappelé que les participants aux compétitions des délégations sportives participant à une mission de service public sont tenus de respecter le principe de neutralité.

 

L’article 1er des statuts Fédération française de football, modifié en 2006, liste trois interdictions s’appliquant durant les compétitions et manifestations que la Fédération sportive organise. Il s’agit de :

« – tout discours ou affichage à caractère politique, idéologique, religieux ou syndical,

– tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale,

– tout acte de prosélytisme ou manœuvre de propagande, / (…) ».

 

Les associations Alliance Citoyenne, Contre Attaque et la Ligue des droits de l’Homme ont formé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État contre le refus de la Fédération française de football d’abroger l’interdiction du port de signes religieux lors des matchs de football.

 

Elles soulevaient l’incompétence de la Fédération sportive pour prendre une telle décision et la méconnaissance du champ d’application du principe de neutralité. Par ailleurs, elles dénonçaient la discrimination envers les joueuses de football qui portent le foulard islamique.

 

En application de l’article 1er de la Loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, tout organisme qui participe à l’exécution d’une mission de service public doit veiller à ce que ses salariés et les personnes placées sous sa direction respectent les principes de laïcité et de neutralité du service public.

 

La question est celle de savoir si les principes de laïcité et de neutralité doivent être respectés par les joueurs qui participent à des évènements organisés par la Fédération.

 

Pour le Conseil d’Etat, si les joueurs ne sont pas légalement tenus au respect du principe de neutralité du service public, la Fédération peut limiter leur liberté « d’exprimer leurs opinions et convictions si cela est nécessaire au bon fonctionnement du service public ou à la protection des droits et libertés d’autrui, et adapté et proportionné à ces objectifs.

 

Ce raisonnement est assez fidèle au « régime de laïcité stricte » que la ministre des Sports souhaite dans le domaine du sport (Le Monde, 26 septembre 2023).

 

A ce titre, dans le domaine du football, l’interdiction d’exprimer ses opinions religieuses est limitée aux « temps et lieux des matchs de football ». Il s’agit d’assurer un « bon déroulement en prévenant notamment tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport ».

 

L’interdiction est ainsi jugée adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi. Sur ce point, le Conseil d’Etat n’apporte pas de précisions sur ce que représentent des « affrontements » et « confrontations ». Ces notions sont assez floues et les bases sur lesquelles les juges se sont appuyés pour établir ces risques restent inconnues. 

 

Il faut noter que cette position du juge français a été vivement critiquée par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme qui a déclaré que « personne ne devrait imposer à une femme de ce qu’elle doit porter ou non » (Le Monde, 26 septembre 2023).