Le juge des référés pré contractuels doit renvoyer la procédure de passation au stade auquel se rapporte le manquement !

Dans cette affaire, le Tribunal administratif de Mayotte avait été saisi au sujet de la passation d’un marché public en vue de la construction de salles de classes et d’un réfectoire d’une école élémentaire par la commune de Bandrélé. 

 

Cette procédure avait été passée sous la forme d’un appel d’offres restreint, ce qui signifie, au sens de l’article R. 2124-2 du Code de la commande publique, que seuls les candidats sélectionnés par l’acheteur sont autorisés à soumissionner. Ainsi la procédure se déroulait comme suit : une première phase de sélection des candidatures, puis une seconde phase, après les négociations, de sélection de l’offre économiquement la plus avantageuse. 

 

A la suite de la première phase, la société Pro services avait été informée que sa candidature n’avait pas été retenue, tandis que les candidatures de trois groupements avaient été sélectionnées pour la seconde phase d’examen des offres

 

A cet égard, la société dont la candidature avait été rejetée, avait formé un référé précontractuel en arguant d’un manquement commis par la commune dans la phase de sélection des candidatures. En effet, elle affirmait que la candidature du groupement Harappa retenu ne justifiait pas des compétences en matière de restauration collective, qui avaient été demandées dans le dossier de consultation. 

 

En ce sens, le Tribunal administratif de Mayotte avait fait partiellement droit à la demande de la société Pro services en constatant l’existence d’un manquement et en annulant la procédure à partir de l’analyse des offres

 

La société Pro services s’est donc pourvue en cassation contre cette ordonnance en demandant à ce que la procédure soit reprise au stade de l’analyse des candidatures et non des offres. 

 

Ce faisant, dans son arrêt du 31 mars 2023 (n°468242), le Conseil d’État n’a pas eu à trancher la question de savoir si un manquement avait effectivement été commis et avait lésé la société Pro. Cet aspect ne faisait pas de doute dès lors que le groupement admis à présenter une offre ne justifiait pas des compétences requises dans sa candidature. 

 

La difficulté portait sur la confusion du  juge des référés entre les phases de sélection des candidatures et celle d’examen des offres (ccl sur CE 31 mars 2023, req. n°468242, Société Pro services)

 

En effet, il est manifeste que le manquement évoqué concernait la phase de sélection des candidatures et non la phase d’examen des offres

 

Partant, il appartient au juge des référés de n’annuler la procédure qu’à compter de la phase concernée par le manquement (CE, 12 janvier 2011, req. n° 343324, Département du Doubs).  

 

Qu’ainsi, dès lors que le juge des référés n’est pas censé censurer entièrement la procédure, ce dernier commet une dénaturation des pièces du dossier et une erreur de droit s’il se trompe de phase pour reprendre la procédure. 

 

C’est ce qu’a considéré le Conseil d’État : « en se bornant à annuler la procédure de passation du marché public en litige à partir de l’examen des offres et à enjoindre à la commune de Bandrélé de reprendre cette procédure à ce stade alors qu’il avait ainsi constaté l’existence d’un manquement affectant la première phase de sélection des candidats auquel il lui appartenait, en vertu des pouvoirs qu’il tient des dispositions mentionnées au point 2, de mettre un terme, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit»

 

Il en ressort que si la distinction entre candidatures et offres peut paraître obscure, elle est essentielle eu égard à la portée de l’annulation de la procédure dans le cadre du référé précontractuel, notamment en cas de recours à un appel d’offre restreint.