L'employeur public ne peut pas imposer, sauf nécessité de service, aux agents de laisser leur téléphone portable au vestiaire

Par un arrêt du 23 mars 2023 (n°21BX00336), la Cour administrative d’appel de Bordeaux est venue se prononcer sur une question qui pourrait intéresser bon nombre d’agents publics. En cause : le fait de conserver son téléphone portable avec soi pendant les heures de service, alors même qu’un règlement de l’établissement l’interdit.

Dans cette affaire, le centre départemental gériatrique avait adopté, dans le cadre de son règlement d’hygiène et de sécurité, un article 3-14 prévoyant que : “Les communications téléphoniques personnelles sont interdites pendant les heures de travail, sauf urgence impérieuse, dans tous les services de l’établissement. / L’utilisation du téléphone portable est tolérée uniquement pendant les pauses. Ils doivent donc être laissés dans les vestiaires “.

Par une note en date du 4 juin 2018, le directeur de l’établissement a rappelé aux agents que la méconnaissance des règles relatives à l’utilisation du téléphone portable était passible de sanction disciplinaire.

En l’espèce, la requérante, aide-soignante au sein d’un centre départemental gériatrique, a fait l’objet d’un blâme pour avoir conservé son téléphone portable durant ses heures de service, en violation du règlement intérieur. 

Il retient tout d’abord un défaut de base légale de la sanction en considérant que l’article 3-14 en question ainsi que la note imposaient des contraintes disproportionnées et étaient donc illégaux. De plus, le tribunal considère que la sanction est disproportionnée.

Sur appel du centre départemental gériatrique, la CAA confirme le jugement en estimant, en premier lieu, que les documents litigieux imposent effectivement aux agents une contrainte excessive, et qui n’est pas justifiée par les nécessités du service.

En second lieu, la juridiction administrative estime que cette sanction est disproportionnée. En effet, bien que l’aide-soignante ait conservé son téléphone avec elle pendant son service, elle ne l’a pas utilisé et a reconnu les faits spontanément lors de la visite du directeur dans le service. Enfin, cette dernière n’avait fait l’objet d’aucun rappel à l’ordre ou avertissement préalable.

L’on peut effectivement décemment penser que si l’aide-soignante multipliait les appels personnels durant son service, l’appréciation du juge aurait été tout autre…

Cette décision représente donc une mise en garde à l’égard des employeurs publics qui auraient des velléités de restreindre de manière excessive l’usage du téléphone portable de leurs agents, en faisant notamment peser la menace d’une sanction disciplinaire.

Pragmatique, le juge administratif rappelle tout de même que les nécessités de service pourraient justifier une pareille interdiction.

En tous les cas, voilà un arrêt qui envoie plein d’ondes positives !