Les jeunes entreprises au service de l'achat innovant

L’article 44 de la loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 a élargi les possibilités de recours aux marchés innovants en instaurant une présomption d’innovation en faveur des jeunes entreprises innovantes. Ces jeunes entreprises sont des PME dont une partie des dépenses est affectée à la recherche. Elles bénéficient d’exonérations fiscales et sociales.

 

Un dispositif initialement expérimental

 

En 2018, un dispositif expérimental de 3 ans avait été mis en place permettant aux acheteurs de passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalable lorsque le marché portait sur des travaux, fournitures ou services innovants (Décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique). Le montant du marché devait être inférieur à 100 000 € HT et la durée de 36 mois maximum.

 

Le bilan de l’expérimentation a été réalisé en juin 2021 par l’Observatoire économique de la commande publique (Rapport d’évaluation sur l’application du dispositif expérimental issu du décret du 24 décembre 2018 relatif aux achats innovants). Au 31 mai 2021, 231 marchés avaient mis en œuvre cette expérimentation.

 

Plusieurs éléments extérieurs ont pu expliquer ce faible engouement pour l’achat innovant, notamment la frilosité des acheteurs compte-tenu du risque contentieux et la crise du COVID-19.

 

La pérennisation du dispositif en 2021

 

Le Gouvernement a tout de même souhaité maintenir le dispositif de l’achat innovant. Ainsi, le décret du 13 décembre 2021 (Décret n° 2021-1634 du 13 décembre 2021 relatif aux achats innovants et portant diverses autres dispositions en matière de commande publique) a pérennisé l’absence de publicité et de mise en concurrence pour les achats innovants de moins de 100 000 € HT. Cette dispense de procédure a été étendue aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 € HT pour des fournitures ou des services innovants ou à 100 000 € HT pour des travaux innovants, à condition que la valeur de l’ensemble des lots concernés n’excède pas 20 % du montant total du marché. Cette possibilité est aujourd’hui inscrite à l’article R. 2122-9-1 du Code de la commande publique.

 

Lorsque l’acheteur fait usage de cette faculté d’achats innovants, il doit respecter les principes généraux de la commande publique : choix d’une offre pertinente, bonne utilisation des deniers publics et impossibilité à contracter systématiquement avec un même opérateur.

 

La notion d’achats innovants élargie en 2024

 

La principale difficulté dans la mise en œuvre du dispositif de l’achat innovant réside dans la définition de la notion d’achats innovants.

 

Le document de référence en la matière est le manuel d’Oslo de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Selon le guide « de façon simplifiée, une innovation correspond à une idée nouvelle, une invention qui a été mise en œuvre et lancée (ou en cours de lancement) sur le marché. L’innovation se distingue donc de l’invention ou de la découverte par son caractère opérationnel : elle est sur le point ou vient d’être commercialisée ».

 

L’article L. 2172-3 alinéa 2 du Code de la commande publique précise que « sont considérés comme innovants les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés. Le caractère innovant peut consister dans la mise en œuvre de nouveaux procédés de production ou de construction, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise ».

 

Les acheteurs doivent utiliser la méthode du faisceau d’indices pour caractériser l’existence d’une solution innovante. Le guide pratique de l’achat public innovant explicite les indices à prendre en considération : l’existence d’une solution nouvelle, les objectifs poursuivis, les informations relatives à l’entreprise et le type d’innovation. Une version actualisée du guide est prévue pour le 1er semestre 2024.

 

L’article 44 de la loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 est venue compléter la définition du marché innovant. Sont aussi considérés comme innovants tous les travaux, les fournitures ou les services proposés par les jeunes entreprises définies à l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts.

 

Une jeune entreprise innovante répond à cinq conditions :

  • être une PME,
  • avoir été créée depuis moins de huit ans,
  • être réellement nouvelle (ne pas avoir été créée à la suite d’une reprise d’activités par exemple),
  • réaliser à des dépenses de recherche et de développement représentant au moins 15% des charges fiscalement déductibles,
  • être indépendante.

 

Il existe désormais une présomption de l’achat innovant en faveur des jeunes entreprises innovantes. Les acheteurs n’ont donc plus besoin de recourir à la méthode du faisceau d’indices pour passer des marchés innovants sans publicité ni mise en concurrence lorsque l’opérateur économique est une jeune entreprise innovante.