Méconnaissance des règles d'urbanisme : l'usage des pouvoirs prévus à l'article L.481-1 du code de l'urbanisme n'est pas subordonné à l'existence de travaux

Par des arrêtés datant du mois de juin 2022, la maire de la Ville de Paris a usé des pouvoirs qu’elle tenait de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme pour mettre en demeure une société, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et dans un délai de trois mois, de restituer dans leur état d’origine plusieurs locaux qu’elle occupait. La maire lui reprochait d’avoir méconnu l’obligation de procéder à la déclaration préalable inhérente au changement de destinations des locaux, et d’obtenir une décision de non-opposition à celle-ci.

 

L’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme issu de la loi du 27 décembre 2019 dispose que « Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l’article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu’un procès-verbal a été dressé en application de l’article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée, l’autorité compétente peut, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu’elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation ».

 

Saisi d’une action en référé-suspension par la société occupant les lieux, le tribunal administratif de Paris a suspendu l’exécution des mesures édictées par la maire. Pour considérer qu’il existait un doute sérieux sur la légalité des décisions administratives contestées, le juge de première instance s’était fondé sur une application littérale de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme. En effet, ces dispositions font uniquement référence à la réalisation de « travaux ». Or, en l’espèce, le Tribunal avait relevé que le changement de destination des entrepôts en cause n’avait pas impliqué de travaux.

 

Statuant en cassation (CE, 5ème et 6ème chambres réunies, 23 mars 2023, n°468360), le Conseil d’Etat a infirmé l’ordonnance rendue par le tribunal. Il a en effet estimé qu’en subordonnant l’application des dispositions de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme à l’existence de travaux, le premier juge avait fait une interprétation trop restrictive de celles-ci. Pour la juridiction administrative suprême, les pouvoirs confiés à un maire par cet article ont vocation à s’appliquer « à l’ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d’une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement » sans qu’il soit nécessaire que ces opérations constituent des travaux. Il précise qu’il en est notamment ainsi pour « les changements de destination qui, en vertu de l’article R. 421-17 du code de l’urbanisme, sont soumis à déclaration préalable lorsqu’ils ne sont pas soumis à permis de construire ». C’est donc à tort que le tribunal a recherché l’existence de travaux et il en résulte une erreur de droit.

 

Cette décision s’inscrit dans un mouvement plus global de renforcement des pouvoirs de police des maires en matière d’urbanisme, sous l’impulsion tant du législateur que du juge. Elle vient prolonger un arrêt rendu par la Haute juridiction administrative quelques mois plus tôt (CE, 22 décembre 2022, n° 463331, Rec.), qui interprétait déjà les dispositions de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme dans un sens favorable aux maires.