L'occupation du domaine privé est-elle à l'abri des obligations de publicité et de mise en concurrence ?

Par deux arrêts rendus le 2 décembre 2022, le Conseil d’État entérine sa fameuse jurisprudence “Jean Bouin” du 3 décembre 2010 (n°338272) en revenant à une application largo sensu des règles de mise en concurrence pour les occupations du domaine public, tout en excluant le domaine privé de ces mêmes règles.

L’arrêt Société Tennis Paris (2 décembre 2022, n°455033) concerne l’application des procédures de mise en concurrence dans le domaine public. En l’espèce, le Sénat avait attribué une convention d’occupation pour six courts de tennis situé dans le Jardin du Luxembourg à la Ligue de Paris de Tennis pour une durée de quinze ans. Le Conseil d’État était amené à se prononcer sur, d’une part, la qualification de la convention d’occupation, et d’autre part, sur le moyen d’irrégularité tiré de l’absence de procédure de concurrence préalable.

Rendue le même jour, la seconde affaire Commune de Biarritz (CE, 2 décembre 2022, Commune de Biarritz, n°460100) porte sur un titre d’occupation relevant cette fois-ci du domaine privé. En l’espèce, la Commune avait conclu un bail emphytéotique par la Commune au profit d’une SEM (Société d’Économie Mixte) pour l’exploitation du prestigieux hôtel du Palais de la Ville. Le Conseil d’État était alors amené à se prononcer sur la nécessité de mettre en œuvre une procédure préalable des règles de concurrence au regard de l’article L. 2122-1-1 du code général des propriétés des personnes publiques.

Concernant les titres d’occupation du domaine public des personnes publiques, la Haute juridiction rappelle deux éléments :

  • Conformément à l’article L. 2122-1-1 du CG3P, les titres d’occupation délivrés sur le domaine public sont obligatoirement soumis à une procédure de mise en concurrence.
  • Cette obligation est conditionnée par « l’exercice d’une activité économique » (Article 4 de la « Directive Service » ; L. 2122-1-1 du CG3P ; CE, 2 décembre 2022, Sté Tennis Paris, n°455033). Dans le cas contraire, la procédure de mise en concurrence demeure une simple faculté (CAA Bordeaux, 2 novembre 2021, Commune de Biarritz, n° 19BX03590. En l’espèce, l’activité en cause ne portait que sur une « opération purement patrimoniale et non sur une activité économique », excluant toute procédure de mise en concurrence obligatoire).

Concernant les titres d’occupation du domaine privé appartenant aux personnes publiques, le Conseil d’État exclut toute obligation de mise en concurrence préalable.

En effet, les juges de Palais Royal constatent que « ni les termes de la directive service, ni des termes de cette directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant à leur domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de cette même directive ».

Par conséquent, aucune mise en concurrence n’est requise préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant au domaine privé des personnes privées.

Si le titre d’occupation porte sur le domaine public de la personne publique, la mise en concurrence dépendra de la nature économique de l’activité d’exploitation.

Si l’activité est de nature économique, alors la personne publique devra obligatoirement instaurer une procédure de sélection préalable des candidats.

Dans le cas contraire, la procédure de mise en concurrence est subordonnée à la « faible » accessibilité de l’activité économique pour le prestataire.

Si le titre d’occupation porte sur le domaine privé de la personne publique, aucune procédure de mise en concurrence n’est imposée par le droit de l’Union selon le Conseil d’État. En effet, il résulte des termes de l’arrêt Commune de Biarritz, que le juge administratif a estimé que le critère de la « faible disponibilité » était inopérant dès lors que le titre d’occupation appartenait au domaine privé de la personne publique.