Refus du Gouvernement de se saisir de la question de la sous-traitance en cascade dans le secteur du BTP...

Par une réponse ministérielle en date du 12 septembre 2023, le ministre de l’Économie ne semble pas décidé à entreprendre une refonte du régime de la sous-traitance en cascade.

 

Le député M. Yannick Monnet s’est saisi de la question de la sous-traitance en cascade, phénomène qui se démocratise dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (« BTP » ci-après), pour interpeler le ministre de l’Économie sur cette question préoccupante.

 

En effet, cette volonté s’inscrit dans la continuité de la récente proposition de loi du 7 mars 2023 portée par M. Pierre Morel-À-L’Huissier tendant à mettre fin à la « sous-traitance en cascade » dans le secteur du BTP.

 

Cette tendance visant à limiter le recours à la sous-traitance en cascade se justifie principalement par des problématiques relatives à une dilution de responsabilité entre les différents maillons de la chaîne, une favorisation du travail dissimulé et une précarisation des entreprises situées en fin de chaîne.

 

Ces dérives sont constatées dans le secteur BTP, mais ont notamment été appréhendées dans le secteur de la sécurité et du gardiennage depuis la Loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés ayant limité le recours à la sous-traitance en cascade au second rang, ce qui ne fait que confirmer la réalité des risques susvisés dans ce phénomène.

 

Toutefois, eu égard à la réponse formulée par le ministre sollicité, ces arguments ne semblent pas suffisants pour être conciliés avec le principe de liberté de recourir à la sous-traitance pour les acheteurs (article L. 2193-4 du Code de la commande publique).

 

A cet égard, les libertés d’entreprendre et du commerce et de l’industrie, cumulées aux libertés d’établissement et de prestation de services en droit de l’Union européenne, et particulièrement l’objectif d’accès des PME aux contrats de la commande publique dans le secteur du BTP court-circuite toute hypothèse de limitation de la sous-traitance en cascade.  

 

Or, si des mécanismes de contrôle dont se targue M. le Ministre de l’Économie sont effectivement mis à la disposition du maître de l’ouvrage par le Code de la commande publique, et notamment la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, leur efficacité questionne.

 

En effet, il demeure que le régime de paiement des sous-traitants indirects est bien moins protecteur face au droit au paiement direct dont bénéficient les sous-traitants directs, la responsabilisation du maître de l’ouvrage semble être une solution, mais cette hypothèse reste limitée.

 

A ce titre, il ressort que la jurisprudence a évolué dans le sens d’une responsabilisation du maître d’ouvrage lorsque ce dernier s’abstient de vérifier que les garanties relatives à la délivrance de certains documents pour le paiement des sous-traitants de rangs inférieurs ont été respectées par le sous-traitant direct (CAA Paris, 29 décembre 2017, n°16PA02350, Sté OTNT ; CAA Versailles, 19 mai 2022, n° 19VE02540 ; CAA Versailles, 16 mars 2023, n° 18VE02937). Toutefois, ce mécanisme ne semble admis que si le maître d’ouvrage a été informé de manière suffisante et en temps utile pour engager la responsabilité quasi-délictuelle de ce dernier.

 

Par conséquent, si le Gouvernement ne souhaite pas faire des risques et enjeux liés à la sous-traitance en cascade une priorité, une consolidation des outils prévus semble judicieuse pour offrir une meilleure protection des maillons inférieurs de la chaîne et une responsabilisation du donneur d’ordre dans le contrôle des garanties des sous-traitants indirects. 

 

Sur ce sujet brûlant, Matthieu Kluczynski, avocat associé du cabinet ADMYS a eu l’occasion de préciser cette analyse dans un article intitulé « La sous-traitance en cascade : attention à la chute ! »paru dans le n° de Juillet-août de la revue Contrats publics du Moniteur.