Sanction disciplinaire et défaut de motivation : pas d'indemnisation si la même sanction aurait pu être prise

Il est ADMYS que toute irrégularité de procédure affectant une sanction disciplinaire ouvre droit à indemnisation pour l’agent.

 

Dans une décision du 27 mars 2024, le Conseil d’État a illustré le contrôle qu’il appartient au juge de plein contentieux de mettre en œuvre lorsqu’il est saisi d’une demande indemnitaire suivant l’annulation d’une sanction disciplinaire pour un vice de procédure.

 

En l’espèce, un conseiller principal d’éducation avait fait l’objet d’une sanction de déplacement d’office, sanction annulée pour insuffisance de motivation.

 

L’agent avait alors sollicité une indemnisation du fait du harcèlement moral qu’il estimait avoir subi de la part de son administration et qui tenait, entre autres décisions jugées illégales, à la sanction dont il avait irrégulièrement fait l’objet.

 

La Cour administrative de Paris avait refusé d’indemniser l’agent, en retenant que la faute professionnelle reprochée à l’agent était caractérisée. Autrement dit, la Cour estimait que dans la mesure où l’agent avait bien adopté un comportement fautif, une sanction aurait pu être prononcée à son encontre. En conséquence, la circonstance que la sanction dont il avait fait l’objet avait été jugée illégale, mais seulement pour défaut de motivation, ne lui ouvrait pas de droit à être indemnisé.

 

Toutefois, ce raisonnement est censuré par le Conseil d’État qui a d’abord rappelé son considérant de principe, issu de son arrêt du 18 novembre 2015 (n°380461), aux termes duquel :

 

« Lorsqu’une personne sollicite le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s’agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d’une procédure régulière. »

 

Au regard de cette grille de raisonnement, le Conseil d’État a ensuite examiné le contrôle effectué par la Cour administrative d’appel de Paris.

 

Or, la Haute juridiction administrative a jugé qu’en se contentant d’examiner si l’existence d’une faute était caractérisée, – et donc en se limitant à la vérification de la matérialité de le faute-, sans rechercher si une telle faute était de nature à justifier, parmi les sanctions disciplinaires, celle de déplacement d’office – et ainsi sans effectuer de contrôle de proportionnalité- , la Cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit.

 

Statuant au fond, le Conseil d’État a considéré, en l’espèce, qu’une même sanction, régulièrement motivée, aurait pu légalement être prise à l’encontre de l’agent, compte tenu des difficultés relationnelles dont il avait fait preuve.

 

Dès lors, l’illégalité commise, tenant seulement à un défaut de motivation, ne pouvait, dans cette espèce, constituer une faute de nature à ouvrir droit à une quelconque indemnisation de l’agent.

 

Il appartient donc au juge du plein contentieux, pour déterminer si le fonctionnaire a droit à être indemnisé du préjudice qu’il a subi du fait de l’illégalité de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée, de rechercher si l’administration employeur aurait pu prendre la même sanction, tant sur le principe que sur son quantum, sans commettre le vice de procédure responsable de l’illégalité de la sanction.

 

On imagine bien qu’une difficulté tenant à l’absence de respect du contradictoire de la procédure ayant conduit à l’adoption d’une sanction disciplinaire pourrait, si l’examen des circonstances de l’espèce ne permet pas de s’assurer que l’administration aurait pris la même sanction à l’issue d’échanges contradictoires, ouvrir droit à indemnisation de l’agent.