Sanction disciplinaire et droit au silence : première application par les juges du fond et première annulation !

Il est ADMYS que l’absence d’information du fonctionnaire poursuivi dans le cadre d’une procédure disciplinaire, de son droit de se taire, entraine l’irrégularité de la procédure disciplinaire et l’annulation de la sanction prononcée.

Une première application par le juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers (1er février 2024, n° 2400163) avait conduit à la suspension d’une sanction disciplinaire infligée à l’encontre d’un chauffeur de taxi, le défaut d’information du droit dont il disposait de garder le silence ayant été considéré comme un moyen de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la sanction.

Une décision au fond était donc attendue, et notamment s’agissant de la procédure disciplinaire applicable aux agents publics, et c’est chose faite !

La Cour administrative d’appel de Paris était saisie du recours d’un agent hospitalier, qui avait fait l’objet d’une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de dix mois, assortie d’un sursis de quatre mois, et dont la requête en annulation avait été rejetée en première instance.

Le requérant soulevait en appel qu’il n’avait pas été informé du droit qu’il avait de se taire lors de la procédure disciplinaire.

La Cour administrative d’appel a d’abord rappelé le considérant de principe issu de la décision rendue en QPC le 8 décembre 2023, qui énonce :

« Aux termes de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taireCes exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. »

Elle en a fait ensuite application à la procédure disciplinaire dont peut faire l’objet un fonctionnaire, en estimant que les exigences issues de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : 

« (…) impliquent que le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. »

En l’espèce, la Cour a jugé que le fonctionnaire n’ayant pas été informé du droit dont il disposait de se taire lors de la procédure disciplinaire, avait été privé d’une garantie. La sanction disciplinaire prononcée, intervenue au terme d’une procédure irrégulière, est en conséquence annulée.

Le risque est donc grand pour toutes les sanctions disciplinaires qui font actuellement l’objet d’un contentieux : l’information du droit à garder le silence étant, d’après la Cour administrative d’appel de Paris, une garantie pour le fonctionnaire, l’annulation est encourue dès lors que l’intéressé n’aura pas été informé de son droit au silence, ce qui, en pratique, semble être quasi systématique.