Une demande de pièces non exigibles ne décale plus l'instruction d'une demande d'autorisation d'urbanisme

Le Conseil d’État, dans un arrêt du 9 décembre 2022 rendu en section (n° 454521), vient d’opérer un revirement de jurisprudence à la faveur des constructeurs.

 

Était en cause une décision d’opposition à une déclaration préalable de travaux portant sur l’implantation d’une antenne-relais, prise par le Maire de Saint-Herblain le 1er décembre 2020.

 

En cours d’instruction de la déclaration préalable, le service instructeur de la mairie avait formulé une demande de pièce non prévue par le Code de l’urbanisme, à savoir l’insertion sur le plan de masse de la simulation de l’exposition aux ondes émises par l’installation projetée.

 

Saisi par l’opérateur de téléphonie mobile, le Tribunal administratif de Nantes a, en référé, suspendu l’arrêté d’opposition à déclaration préalable, estimant que la réception d’une pièce non exigible n’avait pas déclenché le point de départ du délai de l’instruction comme le prévoit l’article R. 423-38 du Code de l’urbanisme. De ce fait, le Tribunal a considéré qu’une décision implicite de non-opposition était née à l’expiration du délai d’instruction, et que la décision expresse d’opposition devait être regardée comme procédant au retrait de la décision tacite de non-opposition sans respect de la procédure contradictoire préalable.

 

La commune de Saint-Herblain a formé un pourvoi devant le Conseil d’État, dans lequel a été soulevé le moyen tendant à déterminer si le point de départ du délai d’instruction court à compter de la réception d’une pièce exigible sollicitée par le service instructeur ou à compter de la réception du dossier initial en mairie ou de la dernière pièces considérée comme exigible.

 

La Haute juridiction administrative, réunie en section, retient désormais que « le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle ».

 

Dès lors, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi formé par la commune.

 

Cet arrêt vient renverser de manière très nette une jurisprudence incarnée par un arrêt du Conseil d’État rendu il y a sept ans jour pour jour (CE, 9 décembre 2015, Commune d’Asnières-sur-Nouère, n° 390273), par lequel il avait été jugé que « si l’illégalité d’une demande tendant à la production d’une pièce qui ne peut être requise est de nature à entacher d’illégalité la décision tacite d’opposition prise en application de l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme, elle ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition ».

 

Il s’agit manifestement d’un arrêt protecteur des intérêts des constructeurs, lesquels ne pourront plus se voir opposer un délai d’instruction s’appuyant sur un événement non prévu par la règlementation.