Voies à grande circulation : l'avis du Préfet est obligatoire avant toute décision des exécutifs locaux les impactant !

Il est ADMYS que les décisions des exécutifs locaux ayant des impacts sur les voies à grande circulation sont soumises à un avis préalable obligatoire du préfet.

 

Le décret n° 2009-615 du 3 juin 2009 modifié par le décret n° 2010-578 du 31 mai 2010 fixent la liste des routes à grande circulation sur l’ensemble des communes françaises.

 

Un tel classement n’est pas sans incidence pour les exécutifs locaux qui souhaiteraient mettre en place des mesures de police sur lesdites voies.

 

Dans l’affaire objet du présent commentaire, le Maire de Nice et le Président de la Métropole Nice-Côte d’Azur ont décidé, aux termes de plusieurs arrêtés, de supprimer l’une des deux voies de circulation de la chaussée de la route à grande circulation des quais des Etats-Unis, Rauba Capeu, de Lunel, de la Douane et quai Papacino à Nice, pour y substituer une piste cyclable.

 

Cette opération avait pour but de permettre la réalisation des travaux de mises à sens unique de la voie et la création d’une piste cyclable bidirectionnelle.

 

Par un jugement en date du 21 février 2024 (n°2002246), le Tribunal administratif de Nice a procédé à l’annulation des arrêtés querellés et a enjoint à la commune de Nice et à la Métropole Nice-Côte d’Azur de procéder à la remise en état des voies de circulation dans leur état antérieur dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

 

Les motifs retenus par le juge sont triples.

 

En premier lieu, le juge a considéré que la procédure mise en œuvre était irrégulière dès que la mesure de police, qui concernait une voie à grande circulation, aurait dû être soumise à un avis préalable du préfet, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

 

Sur cette partie, le Rapporteur public résumait son propos en indiquant que le régime des routes à grande circulation conférait au Préfet un statut de garant du principe de continuité du service public routier sur la voirie ayant ce statut, quelle que soit sa domanialité.

 

En deuxième lieu, le juge a considéré que la mise à sens unique de la voie à grande circulation ne respectait pas l’article L. 110-3 du code de la route qui impose :

  • une continuité des itinéraires principaux (le cas échéant par un délestage d’un surplus du trafic routier),
  • la circulation des transports exceptionnels et des convois militaires (dès lors qu’une grande partie de ce trafic ne peut emprunter les autoroutes),
  • la fonction d’assurer la desserte économique du site.

 

En dernier lieu, le juge a analysé la légalité des décisions querellées dans le contexte spécifique dans lequel elles ont été prises, à savoir celui de l’état d’urgence sanitaire lié au Covid.

 

Sur ce point, il est indiqué que des mesures moins contraignantes que l’interdiction totale de la circulation générale sur l’une des deux voies de roulement de l’axe de circulation reliant la promenade des Anglais au port Lympia auraient pu permettre d’améliorer la distanciation sociale entre les piétons et les conditions de circulation des cyclistes sur cet axe de circulation. Le juge conclut en soulignant que les mesures décidées par le maire de Nice ont entrainé une restriction disproportionnée de la liberté de circulation et de stationnement sur l’axe concerné.

 

En définitive, il résulte de cette jurisprudence que malgré leurs pouvoirs de police étendus en matière de voirie, les exécutifs locaux ne bénéficient pas d’une liberté absolue s’agissant des modalités d’aménagement des voies à grande circulation.