L'année 2025, comme une ère de simplification en commande publique ?

Il est ADMYS que le décret n°2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique est venu concrétiser certaines attentes des acheteurs et opérateurs économiques pour une action publique plus efficace et simplifiée.

  1. Contexte dans lequel s’insère le décret commenté

Au dernier trimestre de l’année 2024, l’efficacité de la commande publique française était à l’honneur, comme nous l’avions souligné lors d’un précédent article. Si la Direction des Affaires Juridiques (« DAJ ») avait présenté un projet de décret en vue d’une simplification des règles issues du Code de la commande publique (« CCP »), ce dernier avait également fait l’objet d’une consultation publique, dont les résultats peuvent être (re)lus sur le site Internet de la DAJ. Toutefois, ce n’est que l’avant-dernier jour de l’année 2024 que les nouvelles mesures ont été dévoilées.

A titre liminaire, les acteurs de la Commande publique retiendront les caractéristiques essentielles de ce nouveau décret :

  • Entrée en vigueur : le décret entre en vigueur dès le 31 décembre 2024 et s’applique à l’ensemble du territoire de la République française
  • Périmètre : Il concerne les marchés publics et les concessions
  • Contenu : il comporte 11 nouvelles mesures.

Dans le détail, le présent décret de simplification apporte des nouveautés tant en phase de passation, qu’en exécution

2. Simplification de la procédure de passation

Nouveauté n°1 : Introduction d’une souplesse dans la modification de la forme du candidat ou d’un groupement d’opérateurs économiques pour les procédures avec négociation et les dialogues (articles 1 2° et 1 4° du décret)

Mesure dédiée aux procédures comprenant une négociation ou un dialogue, l’acheteur peut autoriser un candidat à se constituer en groupement d’opérateurs économiques durant la passation. Cette faculté est conditionnée, puisque de façon cumulative :

  • le groupement doit disposer des garanties et capacités exigées par l’acheteur (i) ;
  • et la modification ne doit pas porter atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats ni à une concurrence effective entre eux (ii).

Dans les mêmes conditions, un groupement d’opérateurs économiques peut également modifier sa composition en cours de passation.

Nouveauté n°2 : Limitation de la possibilité d’imposer, par l’acheteur, une forme juridique d’un groupement d’opérateurs économiques (article 1 3° du décret)

L’article 1 du décret a modifié la rédaction du second alinéa de l’article R.2142-22 CCP, qui devient : « L’acheteur ne peut exiger que les groupements d’opérateurs économiques adoptent une forme juridique déterminée après l’attribution du marché que lorsque cela est nécessaire à sa bonne exécution. Dans ce cas, l’acheteur justifie cette exigence dans les documents de la consultation ».

Si la possibilité offerte à l’acheteur ne varie pas fondamentalement, cette nouvelle formulation par la négative marque (semble-t-il) une volonté de restreindre davantage l’utilisation de cette possibilité.

Nouveauté n°3 : Assouplissement des exigences en phase de candidature (article 1 5° du décret)

En phase de candidature, il est admis qu’une déclaration sur l’honneur attestant que le candidat ne se trouve dans pas un des cas d’exclusion constitue une preuve suffisante.

Cette mesure allège les formalités et documents à fournir pour les opérateurs économiques, qui pourront plus facilement produire une déclaration sur l’honneur.

Nouveauté n°4 : Transposition en droit national des modalités de remise en concurrence des titulaires d’un accord-cadre (article 1 6° du décret)

L’acheteur peut prévoir, pour une partie des prestations, la remise en concurrence des prestations dans le cadre d’un accord-cadre à bons de commande multi-attributaire par la voie de marchés subséquents. Usant de cette opportunité, l’acheteur devra dans ce cas indiquer dans les documents de la consultation relatifs à l’accord-cadre :

  • expressément la possibilité de recourir à cette faculté ;
  • définir les circonstances objectives déterminant le choix de recourir à un marché subséquent ;
  • préciser les termes de l’accord-cadre pouvant faire l’objet d’une remise en concurrence.

Il s’agit d’une transposition de l’article 33 4. b) de la directive 2014/24/UE.

Nouveauté n°5 : Élévation du seuil des marchés innovants de défense ou de sécurité (articles 3 1° du décret)

L’article 3 1° du décret commenté relève à 300 000 euros HT le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants de défense ou de sécurité.

Nouveauté n°6 : Intégration des apports de la loi Industrie verte dans le Code de la commande publique (articles 6 du décret)

L’article 6 du décret applique les mesures issues de la loi « industrie verte », notamment par l’introduction de la possibilité pour une entité adjudicatrice de rejeter une offre contenant des produits provenant de pays tiers.

Ainsi, si les règles de passation bénéficient d’une simplification, la règlementation tenant à la phase d’exécution se voit également modifiée par ledit décret, en faveur des opérateurs économiques, en particulier sur le plan financier.

3. Simplification des règles d’exécution

Nouveauté n°7 : Application à tous les acheteurs des dispositions relatives aux marchés publics à prix définitif (article 1 1° du décret)

Désormais, tous les acheteurs concluant un marché public à prix définitifs sont soumis à la sous-section « Prix définitifs » (article R.2112-7 du CCP).

Nouveauté n°8 : Élévation de la part minimale que le titulaire s’engage à confier à des PME/artisan pour certains contrats (articles 1 7°, 2, 3 et 4 du décret)

La part minimale à confier à des PME/artisans passe de 10% à 20% pour les marchés globaux, les marchés de partenariat et les contrats de concession. Cette augmentation vaut également pour les marchés de défense ou de sécurité. Le titulaire peut s’exonérer de ce nouveau taux sur le fondement de deux raisons distinctes :

  • soit parce qu’il est lui-même une PME ou un artisan;
  • soit lorsque la structure économique du secteur concernée ne le permet pas.

Pour cette dernière exonération, la rédaction semble critiquable, notamment parce les praticiens pourraient s’interroger sur la notion de « structure économique » et sur la difficulté de déterminer un degré à partir duquel la situation ne permettrait plus une application du taux fixé.

Nouveauté n°9 : Une nuance rédactionnelle au profit des opérateurs économiques (article 1 8° du décret)

La rédaction du 2° de l’article R.2191-7 du CCP a subi une modification mineure, avec le remplacement de la notion de « dépenses » par « charges ».

Néanmoins, cette nouvelle écriture pourrait permettre, semble-t-il, d’intégrer davantage d’éléments financiers pour atteindre le seuil imposé de 60 millions d’euros. Ainsi, le taux de l’avance de 10% pourrait être ouvert à davantage d’acheteurs, au profit des PME.

Nouveauté n°10 : De la simplification en vue pour les avances et la retenue de garantie (articles 1 9° et 1 10° du décret)

D’une part, les articles R. 2191-12, R. 2191-14 et R. 2191-19 relatifs aux modalités de remboursement de l’avance sont abrogés.

D’autre part, le décret abaisse le montant maximum de la retenue de garantie de 5% à 3% pour certains marchés publics dont le titulaire est une PME.

Il vient abroger les articles R.2191-12, R.2191-14 et R.2191-19 relatifs aux modalités de remboursement de l’avance pour instiller davantage de souplesse.

Nouveauté n°11 : Modalités de paiement du solde des marchés de travaux ou de maîtrise d’œuvre étendues à l’ensemble des acheteurs (articles 1 11°, 1 12° et 1 13° du décret)

Une vague de simplification en matière de marché de travaux et de maîtrise d’œuvre intervient ici puisque le décret uniformise à tous les acheteurs les règles relatives au déclenchement du délai de paiement et pour le paiement direct des sous-traitants.

Depuis le décret, l’article R.2192-16 du CCP s’applique à l’ensemble des acheteurs.

En conclusion, l’année 2025 débute par une mise à l’épreuve de ces nouvelles mesures, il sera ensuite le temps de réaliser un bilan, et d’envisager une poursuite de la simplification amorcée, pour rendre plus attractive la Commande publique et l’adapter aux grands enjeux actuels contemporain.

Martin Mattiussi-Poux
Avocat Associé
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