Il est ADMYS que les personnes publiques doivent respecter le droit de priorité des « jeunes agriculteurs » lors de l’attribution des baux ruraux. La Cour administrative d’appel de Nancy dans deux décisions du 16 septembre 2025 (décisions n° 25NC00812 et n° 24NC02041) vient de clarifier au moins partiellement le droit de priorité prévu par l’article L. 411-15 du Code rural et de la pêche maritime.
En effet, les personnes publiques ne disposent pas d’une liberté contractuelle absolue dans l’attribution des baux ruraux. A ce titre, l’article L. 411-15 du Code rural et de la pêche maritime prévoit un droit de priorité donnée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article L.331-2 du Code rural et de la pêche maritime ainsi qu'à leurs groupements.
Ce mécanisme vise à favoriser l’installation de jeunes agriculteurs et, à défaut, à garantir l’accès au foncier aux exploitants locaux répondant à des critères professionnels et de superficie.
L’article D. 343-3 du Code rural et de la pêche maritime précise qu’en vue de faciliter leur première installation, il peut être accordé aux jeunes agriculteurs qui prévoient d'exercer une activité agricole une dotation jeunes agriculteurs en capital ou des prêts bonifiés à moyen termes spéciaux.
Le droit de priorité est ainsi attaché à la dotation jeunes agriculteurs. La Cour administrative d’appel de Nancy a eu à définir les points de départ et de fin du droit de priorité.
Comme le rappelle la juridiction administrative, la priorité ne joue que pendant la période de réalisation du projet d’entreprise par l’agriculteur. Cette période est limitée à quatre ans à compter du début effectif du projet :
« il résulte des dispositions combinées des articles L. 411-15, D. 343-4 et D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime, que la priorité réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs joue pendant la période de réalisation du projet d'entreprise. La priorité dont bénéficie un jeune agriculteur doit être regardée comme expirant à l'issue du délai de quatre ans à compter de la date à laquelle il a commencé à réaliser effectivement son projet d'installation ».
Si cette première décision a le mérite de fixer la fin du droit de priorité, la question du moment à partir duquel le droit de priorité débute n’est pas clairement tranchée.
L’obtention d’une dotation d’installation aux jeunes agriculteurs suppose une procédure longue jalonnée de plusieurs étapes. L’agriculteur doit d’abord faire un certain nombre de démarches auprès de la chambre d’agriculture locale afin de préparer son dossier de demande de dotation (élaboration d’un plan professionnel, étude financière, …). Il dépose ensuite son dossier auprès des services de la Région.La dotation est enfin versée par la Région. L’installation d’un jeune agriculteur n’est donc pas un acte instantané. La procédure d’obtention de l’aide dure en moyenne entre 6 mois et 1 an, voire plus dans certaines régions.
En pratique, le point de départ à partir duquel l’agriculteur bénéficie du droit de priorité est essentiel. Deux interprétations sont alors possibles. Le point de départ peut être considéré comme matérialisé :
- soit au moment de l’octroi de la dotation par la Région, lorsque la décision d’aide formalise l’installation ;
- soit lors de l’envoi du dossier complet à la Région, dès lors que l’exploitant manifeste concrètement son intention de s’installer et engage des démarches administratives ou financières.
La Cour administrative d’appel de Nancy n’a pas tranché clairement cette question.
Finalement, les décisions rendues jusqu’à présent se bornent à apprécier au cas par cas la date de début effectif, selon les éléments du dossier (prise en location, achat de matériel, début de production…).
Conclusion
Autrement dit, on sait quand la priorité s’arrête, mais on ne sait pas précisément quand elle commence. Ce qui met en lumière la complexité du régime du droit de priorité, dont la temporalité demeure mal définie.



















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