Il est ADMYS que l’obligation pour le maire d’une commune de dresser un procès-verbal d’infraction sur le fondement de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme s’applique y compris si l’auteur de l’infraction a la possibilité de régulariser les travaux en cause.
L’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme prévoit l’obligation pour l’autorité administrative compétente de faire dresser un procès-verbal (PV) d’infraction dès lors qu’elle a « connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1 », à savoir notamment l’exécution de travaux sans autorisation d’urbanisme.
Cet article L. 480-1 ajoute qu’une « copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public ». Cette transmission rend possible une action du ministère public, seul compétent pour apprécier l’opportunité des poursuites.
Ayant constaté qu’une société avait entrepris des travaux de construction sans autorisation d’urbanisme, des voisins ont demandé au maire de la commune de Champagne-Mouton de dresser un PV d’infraction, et de le transmettre au ministère public. Le maire n’a pas répondu à cette demande,laissant ainsi le temps à la société d’obtenir un permis de régularisation des travaux entrepris.
Les requérants ont demandé au Tribunal administratif de Poitiers d’annuler la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire, et d’enjoindre au maire de dresser un PV à l’encontre de la société en cause et d’en transmettre copie au ministère public. Le Tribunal administratif a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, de saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis contentieux.
La question portait sur le point de savoir à quelle date le juge de l’excès de pouvoir doit se placer pour apprécier la légalité du refus de dresser un PV d’infraction en application de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme. Autrement dit, le maire est-il tenu de dresser un PV d’infraction lorsque les travaux en cause entrepris irrégulièrement peuvent faire l’objet d’un permis de régularisation ?
Le Conseil d’Etat (CE avis, 2 octobre 2025, n° 503737) a d’abord rappelé le principe selon lequel le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité d’un acte administratif à la date de son édiction. Puis il a rappelé que par exception, le juge se place à la date à laquelle il statue « afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait ». Cette exception avait déjà été affirmée dans un arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat (CE, Ass., 12 juin 2020, n° 422327, 431026). Toutefois, la jurisprudence du Conseil d’Etat, s’agissant plus précisément des décisions de refus de prendre un acte(autres que les refus d’abrogation), restait nuancée.
Le Conseil d’Etat a ensuite affirmé, d’une part, que le maire a compétence liée pour dresser un PV d’infraction et, d’autre part,que la délivrance ultérieure d’un permis de régularisation pour les travaux entrepris irrégulièrement fait uniquement cesser l’infraction. Dès lors, il a considéré que la régularisation des travaux ne consiste pas en un changement de circonstances de nature à faire disparaître l’infraction et ne prive pas d’objet l’action publique.
Mobilisant la théorie de l’effet utile, le Conseil d’État en a déduit que le juge de l’excès de pouvoir doit apprécier la légalité du refus du maire « au regard de la situation de droit et de fait à la date à laquelle cette décision de refus est intervenue, et non au regard de la situation de droit et de fait existant à la date de sa propre décision ».
Enfin, le juge administratif, qui annule une telle décision de refus au motif qu’une infraction mentionnée à l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme était caractérisée à la date de ce refus, doit enjoindre au maire de faire dresser un PV de cette infraction et d’en transmettre une copie au ministère public, à moins que l’action publique ne soit déjà prescrite à la date à laquelle le juge statue.
Conclusion
L’obligation pour l’autorité administrative compétente de dresser un procès-verbal d’infraction sur le fondement de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme s’applique y compris si l’auteur de l’infraction peut régulariser les travaux en cause. Une décision de refus de dresser un tel PV,que cette décision soit explicite ou implicite, est illégale et pourra faire l’objet d’une annulation pour excès de pouvoir.