Il st ADMYS que, près d’un an après le lancement d’une première consultation sur le projet de décret portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique (décret n°2024-1251 du 30 décembre 2024), le chantier de simplification du droit de la commande publique est toujours en œuvre au sein du ministère de l’Économie et des Finances.
- Principales caractéristiques du décret
Le 10 novembre dernier, la Direction des Affaires Juridiques (« DAJ ») a soumis à la consultation publique un (nouveau) projet de décret portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique.
Comme nous avons pu déjà le préconiser il y a de cela un an au sein d’un précédent article, les acteurs de la commande publique retiendront d’ores et déjà les caractéristiques essentielles suivantes :
- Entrée en vigueur : l’entrée en vigueur du décret est annoncée au 1er janvier 2026,avec une application à l’ensemble des territoires de la République française
- Périmètre: il concerne les marchés publics et les contrats de concession
- Contenu: il comporte 8 nouvelles mesures
Derrière l’étiquette « simplification », le texte tel que proposé à la consultation opère des ajustements ciblés du Code de la commande publique(« CCP »), qui intéresseront directement les différents acteurs de la commande publique.
- Les quatre mesures phares de ce projet de décret
Mesure n°1 : Pérennisation de la dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux inférieurs au seuil de 100.000 € HT (article R.2122-8)
Introduit par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique(« ASAP ») du 7 décembre 2020, le seuil dérogatoire de 100.000 € HT pour les marchés publics de travaux a d’abord été prorogé jusqu’au 31 décembre2024 et est désormais en passe d’être définitivement pérennisé à l’article R.2122-8 du CCP.
Ce rehaussement du seuil s’inscrit dans une dynamique qui accorde plus de souplesse aux opérations de proximité. Il devra néanmoins être contre balancépar une documentation rigoureuse, par l’acheteur, du respect des principes fondamentaux de la commande publique, notamment en vue de prévenir les risques tenant à la fragmentation artificielle des besoins (« saucissonnage »).
Mesure n°2 : Rehaussement du seuil des marchés innovants au seuil européen des marchés de fournitures et de services passés par les autorités publiques centrales(article R.2122-9-1)
Par le projet de décret présenté à la consultation, le gouvernement entend relever le seuil pour la passation des marchés innovants sans publicité ni mise en concurrence, en l’alignant sur le seuil européen des marchés de fournitures et de services passés par les autorités publiques centrales – à savoir 140.000 €HT à compter du 1er janvier 2026.
Si cette proposition est présentée comme un levier d’innovation, il peut être argué que l’augmentation du seuil, qui plus est désormais fixé sur un autre seuil, accentue la tentation de recourir à l’étiquette « innovation »pour s’exonérer des formalités de publicité et mise en concurrence, dans un contexte où la notion même d’innovation reste juridiquement instable à défaut de doctrine opérationnelle ou de jurisprudence solide.
Mesure n°3 : Clarification de la base prise en compte pour l’analyse des offres (nouvel article R.2152-7-1)
L’introduction d’un nouvel article R.2152-7-1 vient sécuriser une pratique déjà répandue au sein des services achats, en phase avec la réalité budgétaire des acheteurs : la prise en compte du prix toutes taxes comprises (« TTC ») pour l’analyse des offres.
Cette nouveauté permettra de simplifier et d’uniformiser la pratique en matière de comparaison des offres. Un autre effet vertueux pouvant être attendu d’une telle mesure consisterait en la limitation des contentieux fondés sur des ambiguïtés HT/TTC au sein des offres déposées par les soumissionnaires.
Mesure n°4 : Ouverture de la possibilité de contracter avec le candidat classé au-delà du premier rang en cas d’incapacité pour l’attributaire d’exécuter le marché (nouvel article R.2182-6)
Rédaction - « Si, avant la notification du marché, l’opérateur économique attributaire du marché est dans l’incapacité de l’exécuter, l’acheteur peut solliciter le soumissionnaire dont l'offre a été classée immédiatement après. En cas de refus de ce dernier, l’acheteur peut solliciter les autres soumissionnaires dans l’ordre du classement des offres. »
Cette mesure constitue un réel vecteur de rationalisation dans le processus de contractualisation en matière de commande publique : consacrer la possibilité, pour l’acheteur, de se tourner vers les soumissionnaires classés au énième rang en cas d’incapacité de l’attributaire à exécuter le marché, et ce sans clause préalable, lui offre une marge de manœuvre non négligeable. Cet outil semble, tout du moins en théorie, constituer un moyen de gestion efficace des blocages de procédure qui pourrait permettre d’éviter, dans certains cas, la relance complète de la procédure.
- Les autres mesures du projet de décret
Mesure n°5 : Préciser les modalités de remboursement de l’avance (article R.2191-111°)
Le projet de décret ajuste à la marge la rédaction de l’article R.2191-11 1° duCCP en prévoyant que les prestations exécutées prises en compte pour le calculdu point de départ du remboursement de l’avance sont celles exécutées« par le titulaire », et « pour sa part de marché ».
Mesure n°6 : Extension du champ de compétence des CCRA aux contrats de concession(nouvel article R.3137-1)
En vue d’inciter le recours aux modes alternatifs de règlement des différends, le projet de décret étend le champ de compétence des CCRA – prévus pour les marchés publics aux articles R.2197-1 à D.2197-22 du CCP – aux contrats de concession, en opérant un renvoi aux articles précédemment visés pour les modalités de saisine.
Mesure n°7 : Extension de certaines dispositions aux collectivités d’outre-mer, en lien avec la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte
Mesure n°8 : Abaissement du plafond de chiffre d’affaires minimal exigible de l’entreprise candidate à 1,5 fois le montant estimé du marché (article R.2142-7)
Les objectifs poursuivis par le décret sont limpides : faciliter l’accès des entreprises – en particulier des PME – à la commande publique,sécuriser quelques pratiques déjà bien éprouvées par les services achats et fluidifier le process achat, tant pour les entreprises que pour les acheteurs et autorités concédantes.
Sur le plan purement structurel, le projet ajoute de nouveaux articles (R.2152-7-1,R.2182-6, R.3137-1) et modifie de nombreux renvois dans les tableaux de suivi des textes de telle sorte qu’en définitive, le Code en ressort davantage ajusté que simplifié.
- Que faire dès maintenant côté acheteurs publics et autorités concédantes ?
Sans attendre la publication du décret, les acheteurs et autorités concédantes soumis au Code de la commande publique peuvent déjà anticiper l’entrée en vigueur des nouvelles mesures, notamment en :
- anticipant la révision de leurs modèles de RC sur la base des ajustements opérés par le projet ;
- identifiant les situations « à risque » pouvant résulter, par exemple, du rehaussement des seuils ;
- mettant à jour l’ensemble des outils opérationnels(guides internes, check-lists, …).
Conclusion
Si ce projet de décret ne vient pas bousculer le paysage de l’achat public, il opère un ajustement pertinent de la « boîte à outils de la commande publique » à charge, désormais, pour les acteurs de la commande publique de faire entendre leur voix pendant la consultation,qui s’étend du 10 au 25 novembre 2025.

















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