Le 23 mars 2017, un mur s’effondre à Corbières-en-Provence après un épisode pluvieux, détruisant par la même occasion un hangar contenant plusieurs voitures de collection. La SCI propriétaire des parcelles touchées,demande réparation à la commune et au département. Le litige révèle alors plusieurs enjeux cruciaux du droit public : le mur est-il un ouvrage public ? Qui est responsable de la gestion des eaux pluviales ? Quels sont les régimes applicables ? Analyse concrète de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du 13 mai 2025 (n°23MA01504).
- L’accessoire d’un ouvrage public engage la responsabilité de son gardien
La cour rappelle d’abord un principe constant : un mur de soutènement jouxtant une voie publique, même édifié sur terrain privé, peut être qualifié d’accessoire de l’ouvrage public. Il en devient une dépendance dès lors qu’il en soutient physiquement la structure ou en garantit le fonctionnement normal (L.2111-2 du Code général des propriétés des personnes publiques ; CE, Sect. 28 mars 1969, Dames Février et Gâtelet, n° 72678 ; CAA Marseille, 9 févr. 2021, n° 19MA02777, G)
En l’espèce, bien que construit sur une parcelle privée par un particulier, le mur soutient la route départementale RD 2096. La Cour considère ainsi que le mur constitue un ouvrage public, engageant la responsabilité sans faute du département des Alpes-de-Haute-Provence, en tant que maître de l’ouvrage.
- Le transfert de la compétence GEPU à la Communauté d’Agglomération implique une substitution de responsabilité, même pour des faits antérieurs au transfert
La CAA reconnait, dans un second temps, que l’insuffisance du réseau d’évacuation des eaux pluviales sur la commune aurait aggravé les effets de l’épisode météorologique. La Commune avait été condamnée en première instance dans la mesure où elle détenait la compétence « Gestion des eaux pluviales »au moment des faits litigieux.
Or, la Cour rappelle que la compétence “gestion des eaux pluviales urbaines”, prévue par l’article L.2226-1 du Code général des collectivités territoriales est transférée de plein droit aux communautés d’agglomération depuis le 1er janvier 2020, en vertu de l’article L.5216-5 du CGCT.
Ainsi,même si la commune est à l’origine des carences, c’est l’EPCI (ici, Durance-Luberon-Verdon Agglomération) qui est substituée dans les droits et obligations, y compris pour des faits antérieurs au transfert :
« 9. Il résulte des dispositions citées au point 8, à l’application desquelles ne font pas obstacle les dispositions citées au point 7, que le transfert par une commune de compétences à un établissement public de coopération intercommunale implique la substitution de plein droit de cet établissement à la commune dans l’ensemble de ses droits et obligations attachés à cette compétence, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert. »
La CAA fait ici une parfaite application de la jurisprudence du Conseil d’État de principe sur le sujet, rendue en 2023 (CE,28 novembre 2023, Communauté d’agglomération de la Provence Verte, n°471274, aux tables du recueil Lebon).
La Communauté d’agglomération a tenté, afin d’écarter sa responsabilité, d’invoquer l’existence d’une convention de gestion pour l’exercice des missions relevant de la GEPU signée avec la Commune en 2021. La CAA a cependant écarté cet argument :
« Si, en l’espèce, la communauté d’agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération se prévaut de la convention de gestion pour l’exercice des missions relevant de la gestion des eaux pluviales que son président a signée avec le maire de Corbières-en-Provence le 8 mars 2021 par laquelle ont notamment été définis les éléments constitutifs du système de gestion des eaux pluviales urbaines en excluant une partie des ouvrages rattachés à la voirie,ces stipulations n’ont pas pu avoir pour objet ni pour effet, en application des dispositions rappelées ci-dessus, d’opérer un transfert de l’exercice de cette compétence au profit de la commune de Corbières-en-Provence, la compétence « gestion des eaux pluviales »demeurant exercée au nom et pour le compte de la communauté d’agglomération. »
Considérant que le défaut d’évacuation des eaux dans la rue des Aires avait contribué à l’effondrement, la CAA a considéré que la SCI pourrait, en sa qualité de tiers, invoquer la responsabilité sans faute du gardien du réseau d’eaux pluviales. La Cour opère donc un partage de responsabilité :
- 80 %pour le département (gardien de l’ouvrage public),
- 20 %pour la communauté d’agglomération (gestionnaire de l’écoulement des eaux pluviales).
Conclusion
Ainsi, en cas d’effondrement d’un mur lors d’un épisode de pluie, les collectivités devront garder en mémoire les deux points suivants :
- la circonstance que le mur soit implanté sur une parcelle privée n’empêche pas nécessairement sa qualification d’ouvrage public,et donc l’engagement de la responsabilité de son gardien ;
- la responsabilité tirée de l’insuffisance du réseau d’évacuation des eaux pluviales appartient à la collectivité compétente,y compris pour des désordres intervenus antérieurement au transfert de compétence.