Pas d'interruption du délai d'instruction d'une demande d'autorisation d'urbanisme en cas de demande d'une pièce non réglementaire

C’est ce qu’a retenu le Conseil d’Etat, dans une affaire où un particulier avait réalisé, sans autorisation, des travaux d’extension de sa maison et avait déposé une demande de permis de construire afin de régulariser sa situation. Cette demande a fait l’objet d’un refus de la mairie, dont le requérant a demandé la suspension au juge des référés du Tribunal administratif de Nice.

Par ordonnance du 25 avril 2024, le juge des référés du Tribunal, estimant que la décision de refus de délivrance du permis était née postérieurement à l’expiration du délai d’instruction et devait être regardée comme une décision de retrait d’un permis tacite, a fait droit à la demande de suspension et a enjoint à la commune concernée de réexaminer la demande de permis. La commune s’est alors pourvue en cassation contre cette ordonnance.

Par un arrêt du 4 février 2025, n° 494180, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance de suspension et a, par la même occasion, apporté des précisions quant aux effets d’une demande de pièces complémentaires sur l’interruption du délai d’instruction d’une demande de permis de construire et sur la naissance d’un permis tacite.  

Le Conseil d’Etat commence par rappeler qu’en principe, dans le silence de l’Administration, un permis de construire tacite naît à l’expiration du délai d’instruction de la demande de permis.

Toutefois, dans l’hypothèse où le pétitionnaire aurait omis certaines pièces, le service instructeur doit, dans le mois, l’inviter à les déposer. Tant que le pétitionnaire ne s’est pas exécuté, la demande n’est pas instruite et le délai d’instruction est interrompu. Il ne commencera à courir qu’à compter du dépôt des pièces réclamées. Si ces pièces ne sont pas déposées dans un délai de trois mois, la demande est alors implicitement rejetée.

Cependant, aux termes de l’article R. 423-41 du Code de l’urbanisme tel que modifié par décret du 21 mai 2019, le Conseil d’Etat a jugé que le délai d’instruction n’est pas interrompu par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce ne faisant pas partie de celles mentionnées au livre IV de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme. Dans un tel cas, il faut considérer qu’un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans que la demande de pièces puisse y faire obstacle.

Dans la présente affaire, le Conseil d’Etat a toutefois relevé que, pour suspendre l’arrêté portant refus de permis de construire, le juge des référés de première instance s’était fondé sur l’illégalité de la demande de pièces complémentaires adressée aux requérants, alors que cette demande portait en l’espèce sur des pièces mentionnées par le Code de l’urbanisme. Il s’agissait en effet d’une lettre du préfet relative au défrichement des parcelles, mentionnée à l’article R. 431-19.

Cette demande de pièces a donc à bon droit décalé le point de départ du délai d’instruction, et a bien fait obstacle à la naissance d’un permis tacite à l’expiration de ce délai et à ce que la décision de refus de permis soit regardée comme procédant illégalement au retrait d’un tel permis tacite.

En jugeant le contraire, le juge des référés a ainsi commis une erreur de droit, ce qui a conduit dans ce cas particulier à l’annulation de l’ordonnance de suspension rendue en première instance.

Il est à noter que le Conseil d’Etat n’a pas repris dans son arrêt les critères plus précis qui ont été posés par la Cour administrative d’appel de Marseille, concernant la détermination d’une demande de pièces complémentaires régulière, dans son arrêt du 30 novembre 2023, n° 21MA04095,  aux termes duquel :

« Une demande tendant à compléter le dossier ne peut ainsi interrompre le délai d’instruction que si elle porte sur une pièce absente du dossier alors qu’elle est exigible en application du a) de l’article R. 431-4 du code ou sur une pièce complémentaire ou une information apparemment exigible, compte tenu de la nature et/ou de la consistance du projet, en application du b) et du c) de cet article, ou sur une pièce qui, bien que présente, ne comporte pas l’ensemble des informations requises par les dispositions réglementaires de ce même livre ou dont le contenu est entaché d’insuffisances ou d’incohérences telles qu’elle ne peut être regardée comme ayant été produite par le pétitionnaire ».

Ce point reste donc à ce jour en suspens…

Maëlle Comte
Avocat Associé
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