La CDC confirme son exigence d’exemplarité des dirigeants et sanctionne le défaut de facturation des pénalités

En l’espèce, l’ancienne directrice de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de La Défense (ECPAD), un établissement public administratif, était poursuivie devant la Juridiction au titre des infractions prévues aux articles L. 131-9 du CJF (manquements aux règles d’exécution des recettes et des dépenses) et L. 131-12 du CJF (octroi d’un avantage injustifié à autrui).

 

Il lui était reproché de n’avoir pas exercé de contrôle suffisant lors de la conclusion, par l’ECPAD, de deux contrats de production ou de distribution de vidéogrammes dans un contexte de potentiel conflit d’intérêts entre les signataires, ainsi qu'un contrat de modification d'une installation de chauffage.

 

La Cour des comptes, dans un jugement du 1er juillet 2025, Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD), aff n°796, écarte l’infraction relative à l’octroi d’avantage injustifié considérant qu’elle est insuffisamment caractérisée.

 

En revanche, concernant l’infraction aux règles d’exécution des recettes et des dépenses dans le cadre de la passation et de l’exécution de contrats, la Cour confirme une conception très extensive du degré de responsabilité des dirigeants :

 

« 22. Lorsqu'il est appliqué à des sanctions qui n'ont pas le caractère de sanctions pénales, le principe de légalité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l'institution dont elle relève. Par suite, les dispositions de l’article L. 131-9 du CJF permettent d'infliger une amende au dirigeant d'un organisme soumis au contrôle de la Cour lorsqu'un manquement au devoir de contrôle et de surveillance inhérent à ses fonctions a permis que soient commises des atteintes aux règles fixées par cet article.

23. Mme X, comme directrice de l’ECPAD, dirige l’établissement, est ordonnateur de ses recettes et de ses dépenses, conclut les marchés, contrats et conventions, en rend compte au conseil d'administration, exerce le pouvoir hiérarchique sur les personnes affectées à l'établissement. Elle reste responsable des actes commis par ses subordonnés en application des délégations de signature qu’elle leur a consenties. Il lui appartenait notamment de contrôler la bonne application des directives qu’elle donnait. Il est également relevé que Mme X fait état de réunions hebdomadaires dont l’ordre du jour aurait dû permettre de prévenir les manquements en cause. »

 

Ace titre, elle rappelle la nécessité pour les dirigeants de contrôler le bon usage qui est fait des délégations de signature qui leur sont consenties ainsi que de contrôler les modalités de conclusion et d’exécution des contrats, au risque de caractériser une faute aux règles d’exécution des recettes et des dépenses.

 

La Cour se montre également particulièrement sévère concernant l’absence de décompte des pénalités dans le cadre de ces différents marchés, lequel a pour conséquence de priver la Collectivité de recettes qui lui sont dues.Si la directrice indique qu’elle n’était pas directement chargée de les infliger aux cocontractants, la Cour lui oppose sa qualité d’ordonnateur des dépenses n’ayant consenti que des délégations de signature (et non de pouvoir) à ses subordonnés.

 

La gravité des fautes est en l’espèce constituée :

  • par la « négligence de [la directrice] dans la prise en compte des multiples alertes et recommandations qui lui sont parvenues sur les risques déontologique et pénal liés à la situation » constitutive d’une situation de conflit d’intérêts et par le fait d’avoir « laissé perdurer des relations même indirectes » entre les personnes concernées.
  • Par le fait d’avoir « laissé perdurer la fragilité du département de la commande publique », de s’être « reposée sur son adjoint dont elle connaissait les faiblesses en la matière », d’avoir « affaibli par ses décisions le secrétariat général », de n’avoir « pas porté une attention suffisante à ce dossier particulier à fort enjeu »,et, de manière générale d’avoir mis en place un dispositif de suivi et de contrôle interne « inefficace ».

 

Les préjudices financiers (48.626,02€ TTC et 162.034,51€) sont estimés « significatifs » par la Cour, au regard des recettes et du chiffre d’affaires de l’établissement. L’amende est fixée à 2.000€ et la Cour retient la difficulté du contexte managérial auquel elle a dû faire face.

Conclusion

Même pour des manquements anciens et pouvant paraître mineurs, les dirigeants de structures publiques sont particulièrement exposés à la sanction par les juridictions financières. Une exigence d’exemplarité s’impose, tant sur le plan de la régularité comptable, que sur le plan du contrôle de chaque mouvement de fonds de l’établissement.  

 

En matière d’exécution des contrats de la commande publique, et dans une démarche attentive à la bonne santé financière des Collectivités, la Cour sanctionne très durement l’inattention durable voire l’inertie dans l’application des pénalités. Au-delà de prévoir diverses pénalités au sein des contrats à venir,il est ainsi préconisé d’assurer un suivi très étroit des contrats en cours, à l’aide d’outils dédiés permettant l’intervention des instances de contrôle, et d’infliger les pénalités de toute nature qui sont dues à la Collectivité.

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