Il est ADMYS qu’une première déclaration d’intention d’aliéner (DIA) mentionnant un bien bâti destiné à la démolition n’est pas entachée d’une erreur substantielle relative à sa consistance, pouvant motiver l’irrecevabilité de cette déclaration par l’autorité préemptrice, de sorte que la réception d’une seconde DIA ne fait pas courir le délai de deux mois pour exercer le droit de préemption.
Par un arrêt en date du 7 novembre 2025 (CE,7 novembre 2025, n° 500233), mentionné aux Tables du Recueil Lebon, le Conseil d’Etat est venu rappeler sa conception stricte de l’irrecevabilité d’une DIA en raison d’une erreur substantielle quant à la consistance du bien immobilier mis en vente, et ses lourdes conséquences sur la légalité de la décision de préemption.
Pour rappel, l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme précise les conditions d’exercice du droit de préemption dont, notamment, le délai de deux mois à compter de la réception en mairie d’une DIA, qui enserrent l’exercice de ce droit par les collectivités.
Dans l’affaire soumise à la juridiction administrative, une société propriétaire d’un bien immobilier avait transmis le 27 mars 2024 une première DIA mentionnant un immeuble « bâti sur terrain propre »tandis que la promesse de vente annexée à la DIA indiquait que le vendeur s’engageait à démolir ce bâtiment et à vendre un « terrain nu ». La commune, considérant qu’il s’agissait d’une erreur substantielle sur la consistance du bien, a déclaré la DIA irrecevable et a demandé à la société propriétaire de lui transmettre une nouvelle DIA, ce que celle-ci a fait le 29 avril 2024. La commune de Cergy a finalement décidé de préempter le bien par une décision du 24 juin 2024.
L’acquéreur évincé a exercé un recours en référé-suspension devant le tribunal administratif sur le fondement de l’article L. 521-1 du CJA.
Le juge des référés du Tribunal a rejeté sa demande de suspension de la décision, au motif qu’aucun moyen n’était propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité.
L’acquéreur évincé a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, qui a rendu donc son arrêt, annulant l’ordonnance de référé du Tribunal administratif.
Dans un premier temps, il a affirmé, sur le fondement des articles L.213-2 et R.214-5 du Code de l’urbanisme, que le délai de deux mois, dont bénéficie le titulaire du droit de préemption pour répondre à la DIA, et qui court à compter de la réception de la déclaration, constitue une garantie pour les propriétaires qui souhaitent vendre leur bien. Ces derniers doivent être ainsi en mesure de savoir « de façon certaine et dans de brefs délais s’ils peuvent ou non poursuivre l’aliénation envisagée ».
Dans la ligne de sa jurisprudence antérieure (CE, 24 juillet 2009, n° 316158), le Conseil d’État a ensuite notamment rappelé que :
- en cas d’erreur substantielle dans la DIA quant à la « consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation », le délai de deux mois ne court qu’à compter de la réception de la déclaration rectifiée par l’administration
- l’expiration du délai de deux mois emporte renonciation à l’exercice de la préemption pour son titulaire, qui se trouve dessaisi et ne peut ni retirer cette décision ni exercer légalement son droit de préemption.
Or la Haute juridiction administrative a estimé que le Tribunal a entaché son ordonnance de référé de dénaturation en ayant considéré que la légalité de la décision de préemption n’était entachée d’aucun doute sérieux, « alors que la déclaration d'intention d'aliéner initiale,conforme à l'état du bien à la date de sa réception par la commune et assortie de la promesse de vente annexée précisant, au titre des conditions de l'aliénation projetée, que le bâtiment en cause était endommagé mais que le vendeur s'engageait à le démolir à ses frais et à livrer pour le prix convenu un terrain nu de toute construction, n'était entachée d'aucune erreur substantielle quant à la consistance du bien objet de la vente, ce dont il résultait que le délai de deux mois ouvert à la commune n'avait pu être prorogé par son courrier du 19 avril 2024 et expirait le 27 mai 2024 ».
Puis, réglant l’affaire, le Conseil d’État a fait droit à la demande de suspension de la décision de préemption pour deux motifs, d’une part celui de la tardiveté de la décision de préemption, d’autre part celui du défaut de réalité du projet.
Conclusion
Lorsqu’une décision d’intention d’aliéner mentionne la vente d’un bien bâti alors que la promesse de vente mentionne un terrain nu, il ne s’agit pas d’une erreur« substantielle » sur la consistance du bien. Par conséquent, le délai de deux mois ouvert au titulaire du droit de préemption pour décider d’exercer son droit commence à courir à partir de la réception de la DIA initiale et non à partir de la réception de la DIA rectifiée.



















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