Aux termes de l’article L. 424-2 du Code de l’urbanisme, « Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction ».
En l’espèce, un pétitionnaire avait présenté, auprès de la mairie de la commune de Gorbio, une demande de permis de construire portant sur deux immeubles à usage d’habitation. Le pétitionnaire avait transmis une modification de son projet, un vendredi, alors que le délai d’instruction expirait le lundi suivant à minuit.
Le service instructeur n’avait pas informé le pétitionnaire de la prorogation du délai d’instruction causée par cette modification tardive.Toutefois, postérieurement à l’expiration du délai d’instruction, le maire de la commune de Gorbio a pris un arrêté refusant de délivrer le permis de construire.
Le pétitionnaire a alors saisi le tribunal administratif de Nice d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de cet arrêté, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.
Les juges du fond ont fait droit à la demande du requérant, jugeant que la décision portant refus de permis constituait un retrait illégal du permis obtenu tacitement du fait du non-respect de la procédure contradictoire préalable obligatoire. Puis, la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé l’annulation de la décision litigieuse.
C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a été saisi d’un pourvoi par la commune de Gorbio qui soutenait que les juges avaient commis une erreur de droit en estimant qu’un permis tacite était né sans rechercher si, compte tenu de la date de dépôt des modifications, l’administration avait disposé d’un délai suffisant.
Toutefois, dans un arrêt rendu le 14 novembre 2025 (CE, n° 496754), le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de la commune.
La Haute juridiction administrative a préalablement rappelé le premier acte de sa jurisprudence Commune de Gorbio (CE, 1er décembre 2023, n° 448905) aux termes de laquelle l’auteur d’une demande de permis de construire peut apporter, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications qui n’en changent pas la nature, afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié ; ajoutant que cela n’a en principe pas d’incidence sur la date de naissance d’un permis tacite.
Puis, elle a rappelé que, lorsque les modifications apportées ne peuvent pas être examinées dans le délai initialement prévu, l’autorité compétente doit informer le pétitionnaire, par tout moyen et avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, de la prorogation du délai d’instruction, et de la date à laquelle est susceptible de naître une décision d’acceptation tacite, et « l’administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale ».
Après avoir constaté que le délai d’instruction expirait le 28 novembre, le Conseil d’Etat a enfin jugé qu’« en l’absence de toute information, par quelque moyen que ce soit, du service instructeur au pétitionnaire sur la prorogation des délais d’instruction de la demande, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’un permis de construire tacite autorisant le projet tel qu’ainsi modifié était né le 29 novembre 2016 et que l’arrêté du 26 décembre 2016 portant refus de délivrer ce permis devait, dès lors, s’analyser comme un retrait de ce permis de construire tacite ».
C’est donc à bon droit que la Cour administrative d’appel n’a pas recherché si, compte-tenu de la date de dépôt des modifications, l’administration avait disposé d’un délai suffisant.
Le Rapporteur public invitait la Haute juridiction à trancher ainsi notamment au motif que, en cas de manœuvres du pétitionnaire qui « jouerait avec les jours non-ouvrables à l’extrême limite des fins d’instruction », l’administration pourra toujours procéder au retrait du permis tacite illégal dans un délai de trois mois (article L. 424-5 du Code de l’urbanisme), et il restera toujours le rempart de la fraude face à l’intention du pétitionnaire de tromper l’administration.
Conclusion
Lorsque la modification du dossier de demande intervient à la fin du délai d’instruction, un permis tacite naît sur la base du dossier ainsi modifié dès lors que le service instructeur n’informe pas le pétitionnaire, par tout moyen, de la prorogation du délai d’instruction. Si une telle information n’a pas été dûment communiquée au pétitionnaire, l’administration ne pourra pas prendre ultérieurement une décision refusant d’accorder le permis, sans méconnaître les règles du contradictoire.

















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