Il n’est pas ADMYS que l’absence de changement de destination des biens depuis la liquidation judiciaire de l’exploitation agricole suffise à caractériser l’existence d’un usage agricole effectif au jour de l’aliénation, condition de validité du droit de préemption exercé par la SAFER.
Une exploitation agricole a fait l’objet d’une procédure de liquidation. Une maison d’habitation, des dépendances ainsi que des bois et taillis ont été vendus aux enchères douze ans après la cessation de l’exploitation agricole. Mais la SAFER locale a exercé son droit de préemption sur l’ensemble de ces biens, au titre de l’article L.143-1, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime.
Aux termes de l’alinéa 1er de cet article, un droit de préemption est institué au profit des SAFER, sur les biens ayant un usage agricole ou une vocation agricole, ou encore les biens faisant partie d'une exploitation agricole.
L’adjudicataire a sollicité l’annulation de la décision de préemption de la SAFER. Dans un arrêt rendu le 9 novembre 2023, la Cour d’appel de Bordeaux a toutefois débouté le requérant de sa demande au motif que lesbiens immobiliers en question n’avaient pas fait l’objet d’un changement de destination et qu’ils avaient toujours pleine vocation à desservir l’exploitation agricole.
La Cour d’appel a jugé que si les biens n’avaient actuellement pas d’utilisation agricole, c’était dû à l’arrêt forcé de l’activité causé parla liquidation judiciaire et la vente aux enchères des biens.
L’adjudicataire a formé un pourvoi en cassation, dans lequel il soutenait que la SAFER ne pouvait pas valablement exercer son droit de préemption dès lors que les biens avaient perdu au jour de l'aliénation leur usage agricole ; la procédure de liquidation judiciaire ayant mis fin à l’exploitation agricole.
Le 4 septembre 2025, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par les juges d’appel pour manque de base légale, au visa des articles L.143-1 et L.143-4, 6°, du code rural et de la pêche maritime (Cass. Civ.3ème, 4 septembre 2025, n° 24-13.064).
La Cour de cassation a rappelé que le droit de préemption de la SAFER ne peut être exercé que s’il est démontré, au jour de l’aliénation, que les biens objet du droit de préemption ont un usage agricole ou sont rattachés à une exploitation agricole existante.
Elle a jugé que la seule absence de changement de destination et le fait que les biens aient toujours une vocation agricole malgré la liquidation ne sont pas des éléments suffisants pour caractériser, au jour de l’aliénation, l’usage agricole des dépendances ou l’existence d’une exploitation agricole dont dépendent les bâtiments d’habitation et les bois et taillis.
La Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Bordeaux pour qu’elle soit jugée au fond.
Conclusion
La SAFER ne peut pas exercer son droit de préemption si elle ne démontre pas qu’au jour de l’aliénation les biens immobiliers ont un usage agricole ou sont rattachés à une exploitation agricole.