Au sein d’une commune, seul le maire peut se prononcer sur les travaux d’extension de réseaux au sens de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme

Il est ADMYS qu’un permis de construire un projet nécessitant l’extension d’un réseau public de distribution, et accordé en méconnaissance de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme, ne saurait être régularisé par la seule approbation d’un devis émanant de l’un des services de la commune.

Dans la présente affaire, en 2023, une société s’était vu délivrer un permis de construire un ensemble immobilier, dont la réalisation nécessitait une extension du réseau public d’électricité. Par une requête collective, plusieurs voisins du projet ont demandé au Tribunal administratif de Nîmes d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté délivrant cette autorisation d’urbanisme, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté.

 

Par un jugement avant dire-droit, le tribunal de première instance a d’abord sursis à statuer sur cette demande, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, en vue de permettre, dans un délai de deux mois, la régularisation de l’arrêté litigieux entaché d’un vice relatif à la méconnaissance de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme.

 

Pour rappel, aux termes de cet article, une modification d’un réseau public, notamment du réseau de distribution d’électricité, est subordonnée à l’accord préalable de l’autorité administrative compétente :

 

« Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés ».

 

Par un second jugement, le Tribunal administratif de Nîmes, estimant que l’autorisation n’avait pas été régularisée, a finalement fait droit à la demande des requérants, et a ainsi annulé le permis litigieux au motif qu’il méconnaissait toujours l'article L. 111-11 du Code de l'urbanisme.

 

La société a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, mais ce dernier a confirmé les jugements rendus au fond (CE, 4 novembre 2025, n° 499340).

 

Dans la ligne de sa jurisprudence antérieure (CE, 27 juillet 2015, n° 374035 ; CE, 22 juillet 2020, n° 431419), le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que les dispositions de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme tendent à préserver l’intérêt général en évitant que la collectivité ou le concessionnaire ne soit contraint d’engager des travaux d’extension des réseaux publics sous la contrainte d’une initiative privée et sans considération des perspectives d’urbanisation.

 

Puis le Conseil d’Etat a rappelé le principe selon lequel un permis de construire doit être refusé lorsque des travaux d’extension d’un réseau public sont nécessaires à la réalisation du projet, et que l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. Autrement dit, l’intention de réaliser ces travaux d’extension doit être établie par la Commune.

 

Or, en l’espèce, concernant la légalité de l’arrêté de permis initial, après avoir relevé qu’un avis de la société Enedis permettait d’établir qu’une extension du réseau d’électricité était effectivement nécessaire pour la réalisation du projet, le Conseil d’Etat a confirmé qu’ « il ne saurait être déduit de la seule délivrance par le maire du permis de construire visant cet avis qu’elle révèlerait l’intention de la collectivité de réaliser les travaux d’extension en cause ».

 

Les premiers juges, constatant une méconnaissance de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme, avaient donc à bon droit accordé un sursis à statuer, selon la Haute juridiction administrative.

 

S’agissant de la légalité du permis de régularisation, le Conseil d’Etat a ensuite rappelé qu’une autorisation d’urbanisme peut notamment être régularisée par la production, par le pétitionnaire, d’une décision individuelle de l’autorité administrative compétente valant mesure de régularisation.

 

Toutefois, la société requérante s’était contentée de produire une décision de la direction de la voirie de la commune de Nîmes approuvant le devis réalisé par la société Enedis pour les travaux d’extension du réseau de distribution d’électricité.

 

Dès lors, le Conseil d’Etat a confirmé le deuxième jugement au fond, annulant les autorisations litigieuses, considérant que le permis modificatif n’avait pas eu pour effet de régulariser la méconnaissance de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme :

 

« Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu’en jugeant que ce seul document, n’émanant pas de l’autorité compétente en matière d’urbanisme, ne pouvait suffire, en l’absence de toute mesure nouvelle prise par cette autorité, à régulariser le permis de construire litigieux et en annulant en conséquence la décision attaquée, le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit ».

Conclusion

Il appartient au maire, seule autorité compétente en matière d’urbanisme, et non à ses services, de valider le principe de travaux d’extension de réseaux publics, et d’indiquer le délai et l’opérateur en charge de tels travaux, au sens de l’article L. 111-11 du Code de l’urbanisme.

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